Marjorie de Chastonay

Motion déposée par Marjorie de Chastonay en février 2023

Texte complet: M 2909

Exposé des motifs:

Actuellement les projets de loi sont tous analysés sous l’angle de leur impact en termes de charges financières induites et liées. Cela est systématique pour toutes les lois impliquant des investissements ou des travaux et des charges de fonctionnement récurrentes. Les analyses financières sont menées et les risques associés au financement sont évalués. La présente motion propose d’en faire de même en matière d’impact environnemental (p.ex. sous forme d’une évaluation des émissions supplémentaires en terme de gaz à effet de serre (GES) ou de réduction des émissions) des propositions soumises au parlement. Un bilan carbone succinct des textes légaux soumis au Grand Conseil devrait être systématiquement inclus.

En 2022, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a rendu public les 2e et 3e partie de son sixième rapport qui confirme les dangers liés aux changements climatiques.  Selon ce rapport, les émissions anthropiques totales nettes de GES ont continué d’augmenter. Elles n’ont même jamais été aussi importantes. C’est le cas pour la Suisse également. Pour limiter la hausse des températures à 1.5°C, celles-ci doivent être réduites de moitié d’ici 2030 ! Si le réchauffement global atteint 1,5 °C dans un avenir proche, les dangers climatiques tels que la poursuite de l’élévation du niveau de la mer augmenteront et entraîneront des risques pour les écosystèmes et les populations. Des mesures globales, efficaces et innovantes sont nécessaires de toute urgence pour que la société freine le réchauffement global et devienne plus résiliente face à l’inévitable changement climatique. Le Plan climat cantonal tient compte de l’urgence climatique et toute une série d’actions à mener sont proposées. Pourtant, aucune ne concerne l’évaluation des lois en regard du climat alors même que ces dernières représentent la première étape de toute action publique.

De nombreuses lois, qu’elles concernent directement le climat ou l’environnement ou non, ont un impact important sur les émissions de gaz à eff­et de serre et sur diff­érents leviers de la transition énergétique et écologique. Afin d’agir en cohérence avec les ambitions cantonales, il devient nécessaire de systématiquement évaluer et prendre en compte les impacts environnementaux des lois soumises au parlement, en regard de l’objectif de neutralité carbone.

Nous ne pourrons surmonter la crise climatique qu’à la condition de penser et de traiter la question climatique comme une priorité transversale. Il faut donc la prendre en compte systématiquement dans la procédure d’élaboration des lois en évaluant l’impact climatique qu’auront ces dernières, de façon à permettre au Parlement de les mettre en conformité avec les engagements pris dans le cadre du Plan climat cantonal.

La présente motion propose que les projets de loi soient, désormais, également évalués sous l’angle des émissions de gaz à effet de serre (GES) attendues, et accompagnés, si possible, d’une présentation de la compatibilité des émissions quantifiées avec les objectifs annoncés par le Plan climat cantonal. Si un bilan doit être fait après la mise en application effective de la loi, une première approche permettant d’évaluer l’impact sur les émissions de GES doit être présentée dès l’élaboration du projet de loi.

L’évaluation s’applique à l’ensembles de projets de loi, tant pour les émissions à caractère unique (p.ex. travaux) que récurrents (p.ex. fonctionnement et exploitation), selon la même logique que celle appliquée sur le plan financier.

Au préalable à l’introduction de cette obligation, un cadrage préalable des méthodes d’évaluation des lois et projets de loi en regard du climat sera nécessaire. Des gouvernements ont déjà engagé un tel travail. A la demande du gouvernement français, le Conseil du Climat a publié un rapport exhaustif sur la question en décembre 2019, Evaluer les lois en cohérence avec l’ambition.[1]

Ce rapport vise à clarifier les enjeux de l’évaluation des lois en regard du climat. Il appuie ses recommandations sur les procédures mises en place en France, à l’international et sur l’expertise d’organisations françaises. Il propose des méthodes d’évaluation.

Les pouvoirs publics ont un rôle majeur à jouer dans la transition écologique. Il s’agit à la fois d’un enjeu de légitimité et d’exemplarité. L’administration publique a, plus que tout autre, la capacité d’influencer le reste de la société en devenant elle-même plus cohérente et plus sobre.

L’introduction du bilan carbone évitera un pilotage cantonal incohérent qui met d’un côté de l’argent pour la transition énergétique et qui, de l’autre, engage des investissements, des actions ou des travaux défavorables au climat.

Il impose aussi, lorsque plusieurs variantes ont été évaluées en amont du dépôt du projet de loi, par exemple pour un projet d’infrastructure, que le bilan carbone soit intégré déjà à ce stade dans les critères de décision et que le processus soit présenté aux députés. Ces derniers, comme le Conseil d’Etat pourront ainsi choisir, par exemple et en toute connaissance de cause, le projet le plus sobre sur le plan climatique quitte à ce que, dans certains cas, il implique un surcoût.

Enfin cette évaluation permettra aussi de mesurer le respect des objectifs climatiques pris au niveau cantonal.

[1] https://www.hautconseilclimat.fr/wp-content/uploads/2019/12/rapport-haut-conseil-pour-le-climat_evaluer-les-lois-en-cohrence-avec-les-ambitions-1.pdf