Pas de crèches au rabais. Pas d’économies sur le dos du personnel et des enfants !
Le 9 juin prochain, les Genevois-es seront amené-es à se prononcer sur une modification de la loi sur l’accueil préscolaire. Un large comité référendaire, composé d’associations de professionnel-les, de partis et de syndicats s’oppose à cette modification qui constitue une attaque flagrante contre les conditions de travail d’un personnel essentiellement féminin et qui dégradera les conditions d’accueil des enfants sans créer de places d’accueil supplémentaires.
NON à la suppression des usages professionnels dans le domaine de la petite enfance
Les conditions de travail dans les crèches sont le fruit de décennies de luttes pour la reconnaissance de ces métiers de l’éducation de l’enfance, que cette modification légale veut mettre à terre. Le secteur est protégé par les usages professionnels, qui fixent des conditions de travail minimales (salaires, vacances, formation, etc.). Ces usages sont un garde-fou indispensable, qui garantit que l’ensemble du personnel bénéficie de conditions de travail correctes en dessous desquelles il n’est pas possible de descendre.
NON à une mesure méprisante qui ne créera aucune place d’accueil supplémentaire
Contrairement à un argument mobilisé par les partisan-es du changement de loi, cette mesure est un rétropédalage et n’augmentera pas les places de crèches. Il y a un manque de personnel qualifié dans la petite enfance et dévaloriser cette profession ne la rendra pas plus attractive, au contraire ! Pour garantir la qualité de l’accueil, les enfants ont droit à du personnel formé et correctement rémunéré. L’application du salaire minimum légal (24.32 frs/h) n’encouragera pas les futur-es travailleur-euses à se former dans ce secteur, aux dépens des défis pédagogiques de la petite enfance. Alors que le secteur fait face à une pénurie de main-d’œuvre diplômée, il est absurde de vouloir encore dévaloriser ces professions.
NON à un authentique marché de dupes
Les crèches privées, dont la tarification n’est pas règlementée, pratiquent des prix très élevés, inaccessibles à la plupart des familles du canton. Elles ne diminueront pas leurs tarifs pour autant, mais elles augmenteront leurs marges, et la mesure ne créera pas de nouvelles places d’accueil pour nos enfants. C’est un très mauvais calcul qui est proposé aux parents. La solution passe au contraire par un investissement plus important des collectivités publiques pour créer de nouvelles places et permettre aux parents de se maintenir en emploi. Les crèches subventionnées ou municipales appliquent une tarification proportionnelle au revenu pour être accessibles à toutes les familles.
NON à une sous-enchère en forme de dangereux précédent
Pour la première fois, le Grand Conseil ose s’attaquer à un mécanisme de régulation du marché du travail en autorisant quelques entreprises à s’affranchir des règles qui protègent tout un secteur d’activité. Après les crèches, à qui le tour ? Cette autorisation de sous-enchère constituerait un dangereux précédent pour l’ensemble de l’économie, à laquelle il faut impérativement s’opposer.
Selon le Tribunal fédéral[1] la liberté économique a des limites
Dans un arrêt du 9 avril dernier, le Tribunal fédéral a sèchement condamné une SA exploitant des crèches privées genevoises qui s’opposaient à l’application des usages. Cette entreprise privée considérait à tort que cela violait la liberté économique et créait une distorsion de concurrence avec les crèches subventionnées. Le Tribunal fédéral a dit qu’il ne voit pas en quoi imposer les mêmes règles à toutes les structures serait constitutif d’une inégalité de traitement. Il relève que les structures subventionnées ont en plus d’autres obligations que les crèches privées, comme celles de fixer les tarifs en fonction des revenus des parents ou le devoir d’accueillir tous les enfants sans discrimination, en particulier les enfants avec des besoins spécifiques. Il a précisé qu’il existe un intérêt public à garantir aux travailleur-euses du secteur de la petite enfance des conditions salariales plus favorables que le salaire minimum genevois. Le Tribunal fédéral confirme que cela permet d’éviter la sous-enchère salariale et d’assurer la qualité de la prise en charge des enfants. La loi sur l’accueil préscolaire poursuit ainsi des objectifs de politique sociale et un intérêt public. Les considérants du Tribunal fédéral rejoignent les conclusions du comité référendaire qui appelle à voter non à la modification de la loi.
Pour toutes ces raisons, les membres du comité référendaire appellent à voter une immense NON à la modification de la loi sur l’accueil préscolaire, soumise au vote le 9 juin.
[1] Arrêt 2C_577/2023 du 9 avril 2024, lien : https://www.bger.ch/ext/eurospider/live/fr/php/aza/http/index.php?highlight_docid=aza://09-04-2024-2C_577-2023&lang=fr&zoom=&type=show_document