Par Marjorie de Chastonay, députée Verte. Tribune parue dans la Tribune de Genève le 5 novembre 2018. 

Plus de 75 000 citoyen.ne.s suisses se sont mobilisé.e.s pour faire aboutir ce référendum – car il s’agit bien d’un référendum citoyen! Mais pourquoi une telle mobilisation? Parce que la nouvelle Loi sur la surveillance des assurés heurte la sphère privée si chère à la liberté et au respect de nos vies.

En tant que présidente de la FéGAPH (Fédération genevoise d’associations de personnes handicapées et de leurs proches), je sais ce que c’est d’enlever des droits, de lever des barrières, d’augmenter les obstacles et de discriminer les personnes en situation de handicap, car je côtoie quotidiennement des personnes concernées. Avec un fils sur le spectre des troubles autistiques, je suis aussi touchée de près, et je ne pourrais supporter l’idée que des détectives privés nous surveillent en permanence et à notre insu (contrairement aux caméras de surveillance).

Ce qu’il faut comprendre avec cette loi, c’est qu’elle concerne non seulement les personnes en situation de handicap ou bénéficiant d’une allocation impotence ou invalidité, mais toutes les personnes ayants droit à des assurances, ou à des congés ou à des prestations, à un moment donné dans leur vie. Surveiller, épier, fouiner, traquer viole les droits fondamentaux de toute la société. C’est une violation de la sphère privée et cela est inacceptable.

À titre de comparaison, les méthodes proposées par cette loi seraient plus intrusives et plus sournoises que celles utilisées par les policiers pour traquer un criminel lors d’une enquête pénale! De plus, ce serait des détectives privés à la botte des caisses d’assurances maladie qui auraient davantage de compétences que la police car ils pourraient même filmer à l’intérieur du salon des gens. Imaginons même un instant que les détectives privés soient des hommes qui surveilleraient des femmes dans leur vie privée…

Il ne s’agit pas de remettre en question la nécessité de lutter contre les abus, qu’il s’agisse d’assurances sociales ou de fraude fiscale. En effet, les fraudes peuvent déjà de nos jours être poursuivies par la justice. Cependant, je considère que cette révision est partiale, disproportionnée et qu’elle crée de surcroît un dangereux précédent. Les outils d’observation tels que prévus par le parlement sont extrêmement intrusifs et les inscrire dans la loi octroierait les quasi-pleins pouvoirs aux assurances, déjà si puissantes via leurs lobbies.

Qu’il s’agisse de l’utilisation de traceurs GPS, d’observations visibles depuis un lieu librement accessible ou encore d’enregistrements sonores et visuels, ces outils portent une grave atteinte à nos libertés individuelles, au respect de la vie de famille et de la sphère privée. Cette loi touche les plus faibles de notre société, ceux qui sont atteints dans leur intégrité physique, sensorielle, intellectuelle ou psychique, qui se trouvent exclus du marché du travail à cause de leur maladie ou handicap. Faut-il encore les criminaliser et les mettre sous une suspicion généralisée? Souhaite-t-on accorder plus de droits aux caisses d’assurance maladie, si opaques dans leur gestion, en les laissant s’immiscer dans nos vies privées? C’est un grand NON à une carte blanche pour les assurances sociales le 25 novembre prochain!