Texte du Conseiller national vert Nicolas Walder, paru sur son blog de la Tribune de Genève

Voter NON, c’est exiger que la durabilité devienne réellement une priorité dans les règles commerciales, sachant que cet accord n’apporte aucune garantie écologique. Le chapitre 8 sur le développement durable est volontairement formulé de manière non contraignante et ne prévoit aucun mécanisme de contrôle efficace. Ce chapitre est même spécifiquement exclu du règlement des différends entre Etats prévu pour les autres articles. Ainsi, il ne pourra pas y avoir de sanctions en cas de non-respect des règles de durabilité.

Voter NON, c’est aussi contester le renforcement de la propriété intellectuelle sans garde-fous, y compris pour le vivant. L’expérience montre que ce sont principalement les industries pharmaceutiques et agrochimiques qui bénéficient de telles dispositions. Pour la population indonésienne en revanche, cela signifiera des médicaments plus chers et un accès plus difficile aux semences, c’est aussi pourquoi cet accord est rejeté par de nombreuses organisations de paysans, de pêcheurs et d’écologistes.[1]

Voter NON, c’est réclamer un frein à la déforestation massive qui fait rage en Indonésie et qui menace un poumon indispensable pour notre planète et un puit de biodiversité essentiel pour des milliers d’espèces dont l’Orang-Outang. Car non seulement les articles traitant de durabilité ne sont pas contraignants et n’incluent aucune sanction mais même certifiée, l’huile de palme dont la consommation a triplé en 25 ans, implique déforestation, expulsions de petits paysans et usage de pesticides. Il n’existe à l’heure actuelle aucune huile de palme durable en Indonésie !

Voter NON, c’est soutenir une véritable culture vivrière. Le gouvernement indonésien, très militarisé et gangréné par la corruption, favorise les accaparements de terres par de grands groupes agroalimentaires. Il n’hésite pas à déposséder par l’intimidation ou même la force les communautés autochtones. Par ailleurs, en orientant massivement l’exploitation agraire vers l’exportation, le gouvernement prive la population indonésienne de nécessaires ressources alimentaires. Au final, c’est la sécurité alimentaire de ce pays de 270 millions d’habitants qui est en jeu !

Voter NON, c’est préserver des recettes fiscales mais aussi protéger nos filières locales face à des produits importés dont les prix n’incluent pas les externalités sociales et environnementales. C’est ainsi que, même taxée à 100%, l’huile de palme dite « certifiée » reste moins chère que les huiles de colza ou tournesol produites localement en Suisse. Il s’agit ici d’être cohérents avec nos engagements à l’égard de nos producteurs et productrices locaux en faisant en sorte que les mangues indonésiennes de soient pas vendues moins chères que les pommes suisses.

Enfin Voter NON, c’est rappeler que promouvoir les échanges en supprimant largement les tarifs douaniers avec des pays aussi éloignés géographiquement que l’Indonésie est un non-sens écologique à l’heure où nous devons impérativement réduire notre consommation. Sachant que les deux tiers de notre impact carbone sont générés à l’étranger, nous devrions au contraire favoriser les circuits courts ainsi que l’imposition de normes environnementales contraignantes et équitables pour les produits importés.

L’urgence climatique nous impose donc de faire des choix courageux qui vont au-delà du greenwashing. La durabilité ne doit pas être un prétexte mais un but. C’est pourquoi le 7 mars il nous faut dire non à cet accord de libre-échange et exiger des relations commerciales réellement au service de la planète et des populations.