Céline Bartolomucci

Projet de loi déposé par Céline Bartolomucci en septembre 2024

Texte complet: PL 13533

Exposé des motifs:

Développés dans les années 1940 pour un usage militaire par l’industrie chimique américaine, les alkyls poly- et per-fluorés (PFAS ou “polluants éternels”) sont aujourd’hui présents partout dans notre vie quotidienne. Prisés pour leurs caractères antiadhésifs, imperméabilisants et résistants à la chaleur, les PFAS sont utilisés en particulier dans de nombreux produits de consommation courante comme les textiles, les emballages alimentaires, les mousses anti-incendie, les revêtements antiadhésifs, les cosmétiques, les produits phytosanitaires, les semi-conducteurs, les encres, etc, mais également dans de nombreux produits phytosanitaires.
L’OSAV lui-même (Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires) considère aujourd’hui que les PFAS libérées dans l’environnement présentent un risque important pour la santé humaine[1].

En novembre 2023, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a notamment classé le PFOA (perfluorooctanoic acid ou PFOA en anglais) comme « cancérogène pour les humains » et le PFOS (perfluorooctanesulfonic acid) comme substance « cancérogène possible pour les humains »[2]. Ces études ont notamment montré des liens possibles avec des cancers du rein et des testicules, ainsi que l’augmentation des niveaux de cholestérol dans le sang, augmentant ainsi le risque de maladies cardiovasculaires.

L’exposition à ces substances peut également :

– affaiblir le système immunitaire, réduisant la capacité du corps à combattre les infections et affectant l’efficacité des vaccins ;

– causer des dommages au foie et aux reins, entraînant des dysfonctionnements hépatiques et rénaux ;

– interférer avec le système endocrinien, affectant les hormones et pouvant entraîner des troubles de la reproduction, des problèmes de développement, et d’autres dysfonctionnements hormonaux ;

– affecter le développement des fœtus et des enfants, entraînant des retards de croissance, des déficiences dans le développement neurologique et des anomalies congénitales.

Outre les atteintes à la santé, les polluants éternels ont un effet notable sur l’environnement. Ces substances peuvent s’accumuler dans les sols, l’eau, et les organismes vivants, y compris les humains. La contamination des nappes phréatiques et des sources d’eau potable représente un risque important pour la santé publique et l’environnement. Au même titre que les risques pour la santé humaine, les PFAS peuvent affecter la santé et la reproduction des animaux sauvages.

En raison des risques importants pour la santé humaine qu’ils représentent, décuplés par leur persistance dans l’environnement et leur capacité de bioaccumulation, la gestion de ces substances et la réduction de l’exposition devraient être des priorités des autorités de santé publique et environnementale.

En avril dernier, différents médias romands publiaient la carte des sites genevois contaminés aux PFAS (autrement appelé polluants éternels). Ces cartes produites par l’Office cantonal de l’environnement permettent de mettre en lumière les données récoltées. Le Service cantonal de géologie, sols et déchets (Gesdec) a organisé 4 campagnes d’analyses entre 2017 et 2022 durant lesquels 150 prélèvements ont montré des niveaux de contamination supérieurs au seuil de l’OSites, qui pondère la somme de 9 PFAS en fonction de leur toxicité. Au total, l’Etat de Genève a effectué 950 analyses en 350 points géographiques.

 Parmi les sites contaminés, le Nant d’Avanchet est, comme le souligne l’article du Temps[3], un cas emblématique : “Souterrain sur l’essentiel de son tracé, il se jette dans le Rhône dans la zone naturelle du bois de la Grille, à côté de la petite plage très fréquentée durant l’été. La zone est déjà inscrite au cadastre des sites pollués. Et le Nant recueille notamment les eaux provenant de l’aéroport et de l’autoroute. Selon nos informations, les résidus de pneus des voitures, les produits de dégivrage appliqués aux avions et les mousses anti-incendie seraient les causes de la pollution aux PFAS.

Sollicité au sujet de ces nuisances, l’aéroport souligne que le Nant d’Avanchet « est un point d’attention » depuis plusieurs années. Environ 50% des eaux de la plateforme s’y écoulent. L’entreprise publique prévoit d’investir plusieurs dizaines de millions de francs afin de construire deux nouveaux ouvrages qui permettront le stockage et le traitement des eaux. Le second bassin versant, du côté de Pregny-Chambésy, est doté depuis 2019 d’une telle installation. Par ailleurs, l’aéroport a décidé en 2021 de renoncer aux mousses anti-incendie contenant des PFAS. Les produits de dégivrage n’en contiennent pas, ajoute l’aéroport.

Dans un article publié en mars 2013, le média Heidi.news[4] indiquait déjà le site de l’aéroport comme un site avec une contamination présumée.  La priorité aujourd’hui est, d’une part, de réduire la production et l’utilisation de produits contenant des PFAS afin d’éviter d’aggraver les contaminations existantes ; et d’autre part, de décontaminer les sites touchés, en particulier lorsque le responsable de la pollution est identifié.

La présente modification de la loi sur l’aéroport de Genève permet d’ancrer dans la loi l’interdiction des PFAS pour toutes les activités sur la plateforme aéroportuaire et, si cela devait être avéré, de provisionner le financement nécessaire à la décontamination des sites selon le principe du pollueur-payeur. Conformément à l’ordonnance sur les redevances aéroportuaires (OAS ; 748.131.3), art. 1, al. 3, lettre a, 5 : « les redevances aéronautiques recouvrent les redevances liées au trafic aérien, en particulier, les redevances à caractère incitatif dans le domaine de la protection de l’environnement ». En vertu de cette disposition, la provision des coûts de dépollution s’effectue, au moins pour une partie des coûts, par une réévaluation de la redevance aéroportuaire perçue.

[1] https://www.blv.admin.ch/blv/fr/home/lebensmittel-und-ernaehrung/lebensmittelsicherheit/stoffe-im-fokus/kontaminanten/per-und-polyfluorierte-alkylverbindungen-pfas.html

[2] Carcinogenicity of perfluorooctanoic acid and perfluorooctanesulfonic acid

    Zahm, Shelia et al. The Lancet Oncology, Volume 25, Issue 1, 16 – 17 https://www.thelancet.com/journals/lanonc/article/PIIS1470-2045(23)00622-8/abstract

[3] Le Temps, “Voici la carte de la contamination de Genève aux PFAS, ces «polluants éternels”,  18 avril 2024

[4] Heidi.news, “Voici la carte des sites contaminés aux PFAS en Suisse”, publié le 3 mars 2023