Dilara Bayrak

Question urgente écrite déposée par Dilara Bayrak en mai 2023

Texte complet et réponse du Conseil d’Etat: QUE 1909 A

Exposé de la question:

Depuis quelques semaines, les médias relatent des faits de discriminations
perpétrés par l’OCPM dans le traitement de certains dossiers, tout
particulièrement ceux concernant des personnes appartenant à la communauté
kosovare.

Les dénonciations systématiques au Ministère public des personnes ayant
demandé à bénéficier de l’opération Papyrus sont hautement problématiques
à de nombreux égards.

Le cumul de ces dénonciations avec le changement de pratique de l’office
quant à l’octroi de visas de retour a été dénoncé par les syndicats et les
mandataires assistant les personnes lésées.

Pour le surplus, un arrêt de la Chambre des assurances sociales de la Cour
de justice reconnaît que certaines personnes au sein de l’office prennent,
unilatéralement, des décisions aux effets délétères sur les administrés : « Au
vu des déclarations de la directrice de ce service à la chambre de céans, il
apparaît que le service concerné de l’OCPM avait changé de pratique
pendant la période en cause pour des motifs qui n’étaient ni sérieux ni
objectifs. »

Compte tenu de ce qui précède ainsi que des références en bas de page, je
prie le Conseil d’Etat de bien vouloir répondre aux questions suivantes :

  1. Le Conseil d’Etat était-il au courant du changement de pratique de
    l’OCPM relatif à l’octroi des visas de retour ?
  2. Le Conseil d’Etat cautionne-t-il les changements de pratique opérés par
    certains employés de l’OCPM, pour des motifs « ni sérieux ni
    objectifs » ?
  3. Quelles sont les mesures de contrôle concrètes exercées par le Conseil
    d’Etat sur l’OCPM et ses services ?

Réponse du Conseil d’Etat

Au préalable, le Conseil d’Etat rappelle que la délivrance de visas de retour est réglée, au niveau fédéral, par l’article 21, alinéa 2, de l’ordonnance fédérale sur l’entrée et l’octroi de visas, du 15 août 2018 (OEV; RS 142.204).

Aux termes de ladite disposition, un visa de retour est octroyé :
a) si la personne remplit les conditions de séjour en Suisse mais ne dispose provisoirement pas encore d’une autorisation de séjour ou d’établissement;
b) si le séjour a été autorisé dans le cadre de la procédure d’autorisation visée à l’article 17, alinéa 2, de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration, du 16 décembre 2005 (LEI; RS 142.20), ou
c) si les conditions visées aux articles 7 et 9 de l’ordonnance fédérale sur l’établissement de documents de voyage pour étrangers, du 14 novembre 2012 (ODV; RS 143.5), sont remplies.

Or, le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) a interpellé à plusieurs reprises l’office cantonal de la population et des migrations (OCPM) sur le fait que celui-ci délivrait indûment des visas de retour à des personnes qui n’en remplissaient pas les conditions.

Dès lors, la direction générale de l’OCPM a saisi l’occasion des restrictions de voyage imposées pendant la pandémie de COVID-19 en 2020 pour demander à ses services de respecter le cadre juridique susmentionné.

Cette démarche a eu pour conséquence que les visas de retour ne sont désormais plus délivrés qu’aux étrangers qui bénéficient (a priori) d’un droit de séjour (par exemple les personnes pouvant se prévaloir de l’Accord entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes, du 21 juin 1999, et les conjoints et/ou les enfants de ressortissants suisses ou étrangers titulaires d’une autorisation d’établissement), ainsi qu’aux ressortissants extraeuropéens dont le dossier a été transmis par l’OCPM au SEM, avec préavis favorable, en vue d’une approbation à la délivrance d’une autorisation de séjour par l’autorité fédérale.

A ce sujet, le Conseil d’Etat observe que depuis le changement de pratique évoqué et la fin de la délivrance systématique (et contraire au droit) des visas de retour, aucune des décisions formelles de refus en la matière n’a fait l’objet d’un recours, ce qui peut témoigner en faveur de leur fondement juridique. Cela étant, le Conseil d’Etat tient également à relever que l’OCPM conserve la capacité de faire des exceptions à la règle posée, pour des situations très particulières, et ce dans le respect de la tradition et de la pratique humanitaires genevoises.

Ces précisions ayant été apportées, le Conseil d’Etat se détermine comme suit sur les 3 questions posées par l’interpellatrice :

  • Le Conseil d’Etat était-il au courant du changement de pratique de l’OCPM relatif à l’octroi des visas de retour ?

Cette question a été évoquée lors des séances et autres échanges bilatéraux entre la direction de l’ancien département de la sécurité, de la population et de la santé (DSPS), auquel l’OCPM était rattaché, et la direction générale de l’office.

  • Le Conseil d’Etat cautionne-t-il les changements de pratique opérés par certains employés de l’OCPM, pour des motifs « ni sérieux ni objectifs » ?

Comme indiqué en introduction, l’adaptation de la pratique a été motivée par un rappel à l’ordre du SEM, qui est l’autorité fédérale de surveillance des services cantonaux de migration dans le domaine, et se fonde sur le respect de la légalité. En outre, l’ATAS/1345/2021 évoqué par l’auteure de la présente question écrite urgente ne concerne pas la délivrance de visas de retour.

  • Quelles sont les mesures de contrôle concrètes exercées par le Conseil d’Etat sur l’OCPM et ses services ?

Au-delà du rattachement administratif et politique de l’OCPM au département des institutions et du numérique (DIN), sa direction générale est régulièrement interpellée et entendue par les membres de la délégation du Conseil d’Etat à la migration (DCEMI), présidée jusqu’au 31 mai 2023 par le conseiller d’Etat chargé du DSPS, accompagné du conseiller d’Etat chargé du département de la cohésion sociale (DCS) et de la conseillère d’Etat chargée du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (DIP), qui éprouvent alors, dans l’analyse de situations concrètes, l’adéquation des procédures mises en oeuvre par l’OCPM.