[QUE] Il est urgent d’agir : quel accueil pour les jeunes mineurs non accompagnés (RMNA) ?
Marjorie de Chastonay
Question urgente écrite déposée par Marjorie de Chastonay en mars 2022
Texte complet et réponse du Conseil d’Etat: QUE 1710 A
Exposé de la question:
Alors que la guerre frappe au seuil de l’Europe et qu’elle jette sur les
routes de l’exil des millions de personnes, la population suisse fait preuve
d’une générosité peu commune. On peut espérer dès lors que toute personne
qui frappera aux portes de la Suisse en raison de ce conflit trouvera le soutien
adéquat, qu’il soit étatique, institutionnel ou privé.
Lorsque l’on suit la situation d’assez près et que l’on voit le désarroi
complet de nombreuses familles ukrainiennes, prêtes à envoyer leurs enfants
dans des lieux sécurisés, on imagine bien qu’un certain nombre de jeunes
mineurs non accompagnés arriveront dans notre pays, respectivement dans
notre canton.
Afin d’éviter la désorganisation des précédentes vagues migratoires, 2016
notamment, l’Etat de Genève s’est mis en ordre de bataille et propose une
plateforme visant à régler rapidement l’accueil de ces personnes.
Si l’on peut se réjouir de cette anticipation, il n’en demeure pas moins que
de nombreux problèmes ne sont pas réglés pour l’accueil des requérants
d’asile mineurs non accompagnés dans notre canton et qu’il est plus
qu’urgent d’agir face à ce flux et à ceux qui ne manqueront pas de suivre si
l’on imagine que le conflit ne s’arrêtera pas à l’Ukraine. Il est donc
nécessaire que l’élan de générosité actuel ne nous fasse pas oublier les
carences de notre système.
Le Conseil d’Etat voudra bien répondre aux questions suivantes :
- Depuis plus de deux ans, l’Hospice général qui accueille les requérants
d’asile tire la sonnette d’alarme sur ses difficultés à gérer correctement un public qui requiert plus de personnel éducatif et de santé
notamment. Le Conseil d’Etat a eu plusieurs fois l’occasion d’indiquer
qu’un transfert de ces jeunes à la Fondation officielle de la jeunesse
(FOJ) était à bout touchant. Qu’en est-il réellement et quel est le
calendrier précis de ce transfert ? - Combien de jeunes seront touchés par ce transfert et dans quels délais,
sachant qu’aujourd’hui plus de 50 jeunes sont concernés ? - Ultérieurement, comment seront réglés les flux des nouveaux
arrivants ? Qui les gérera et avec quels moyens ? S’achemine-t-on vers
un accueil à deux vitesses ? - Dès lors que ce transfert se réalisera enfin, comment seront
accompagnés celles et ceux devenus, durant cette incroyable lenteur
administrative, de jeunes majeurs ? - Quel sort sera réservé aux employés de l’Hospice général qui
s’occupent actuellement de ces jeunes avec pour certains d’entre eux un
statut totalement précaire ? - Comment le Conseil d’Etat peut-il expliquer qu’un jeune dépendant de
la FOJ bénéficie d’un encadrement de 1 ETP, alors que le même jeune
dépendant de l’Hospice ne bénéficie que d’un encadrement de
0,25 ETP ? - Selon un article paru dans le journal Le Temps du 19 février 20221, les
jeunes vivant au foyer de l’Etoile semblent très déprimés, se sentant
abandonnés par les institutions. Comment le Conseil d’Etat explique-t-il
que l’on peut abandonner ces jeunes migrants à leur sort et quelle
prévention met-il en place pour éviter des actes de désespoir ?
Réponse du Conseil d’Etat
La détermination du Conseil d’Etat n’a pas changé : la compétence de la
prise en charge des requérants d’asile mineurs non accompagnés (RMNA) doit
être transférée de l’Hospice général (HG) vers la Fondation officielle de la
jeunesse (FOJ). A cet effet, les prestations y relatives figurent désormais dans
le contrat de prestations de la FOJ pour les années 2022 à 2025.
Le transfert des RMNA se fera par étapes en fonction des structures
d’hébergement mises à disposition de la FOJ. Sauf nouvelles exigences en
matière d’autorisation de construire, un premier groupe de RMNA quittera le
foyer de l’Etoile dans le courant du mois de juin 2022; le deuxième groupe
devrait déménager courant septembre de la même année.
A ce jour, les maisons qui seront mises à disposition de la FOJ doivent
permettre de transférer 40 RMNA. Afin de garantir le transfert de tous les
RMNA dans une structure gérée par la FOJ, d’autres lieux d’hébergement sont
recherchés, dont les moyens utiles à l’exploitation et au fonctionnement feront
l’objet d’une demande de crédit supplémentaire. C’est le lieu de rappeler que
lors du lancement du projet de transfert et jusqu’à l’été dernier, le nombre de
RMNA s’était stabilisé à environ 15 personnes.
La gestion des flux est en cours d’organisation avec la FOJ et plusieurs
pistes sont examinées pour faire face à la probable poursuite de l’augmentation
des arrivées de RMNA (hors réfugiés en provenance d’Ukraine). Il n’est pas
dans l’intention du Conseil d’Etat de produire un accueil à deux vitesses, mais
bien au contraire de mettre sur pied un concept de gestion des flux unique pour
tous les jeunes concernés.
Concernant les jeunes requérants devenus majeurs, ils continuent d’être
suivis par l’Hospice général en vue de leur intégration et leur insertion
socioprofessionnelle.
S’agissant des transferts de personnel, seuls 5 ETP (soit le personnel fixe)
sont visés par les négociations en cours. Les collaboratrices et collaborateurs
qui sont actuellement sous contrat à durée déterminée auront la possibilité de
proposer leur candidature à la FOJ.
Actuellement, le taux d’encadrement proposé par la FOJ – et qui sera
également appliqué à la prise en charge des RMNA – répond aux exigences de
l’Office fédéral de la justice en matière d’éducation spécialisée. A Genève,
c’est le service d’autorisation et de surveillance des lieux de placement
(SASLP) qui délivre les autorisations ad hoc. Le transfert de la prestation à la
FOJ a notamment pour objectif de corriger le taux d’encadrement des RMNA,
reconnu comme insuffisant à l’HG.
Pour conclure, le Conseil d’Etat dément l’affirmation selon laquelle les
jeunes migrants ont été et sont encore abandonnés à leur sort et rappelle qu’une
attention toute particulière est apportée à la santé mentale des RMNA afin de
désamorcer aussi vite que possible les dérives, et d’éviter des actes auto- ou
hétéro-agressifs. De plus, même si les conditions d’hébergement actuelles à
l’Etoile ne sont pas optimales, il est utile de préciser que le transfert génère
aussi des inquiétudes auprès de certains jeunes, conscients qu’ils ne recevront
plus d’argent de poche – dont une partie est envoyée à la famille restée au pays
– ou qu’ils disposeront probablement d’une moindre liberté dans un foyer de
plus petite taille.