Philippe de Rougemont

Question urgente écrite déposée par Philippe de Rougemont en mai 2024

Texte complet et réponse du Conseil d’Etat: QUE 2081 A

Exposé de la question:

L’alliance militaire OTAN a demandé aux autorités fédérales de pouvoir installer un bureau en Suisse, précisément à Genève. Le département fédéral des affaires étrangères a relayé la demande auprès du Conseil fédéral qui a donné son accord. Si rien n’est entrepris avec succès pour empêcher cette installation, l’emplacement de ce bureau se fera dans la « Maison de la Paix ». Cet édifice de verre situé au cœur de la Genève internationale, chemin Rigot, héberge plusieurs organisations internationales actives dans la promotion de la paix et du désarmement. La Maison est « conçue comme un lieu de rencontre, de réflexion et d’action dans le domaine de la promotion de la paix »[1].

Pour une ville de petite taille, Genève bénéficie d’une stature et d’une aura exceptionnelles au niveau mondial. Cela est dû à son statut de berceau du droit humanitaire international et de son développement continu.

Les autorités fédérales semblent actuellement désorientées face aux guerres qui s’intensifient, au point d’autoriser une alliance militaire héritée de la guerre froide à s’installer à Genève. L’égarement fédéral ne doit pas entraîner Genève à solder son identité forgée au fil des siècles et qui lui a valu l’installation de quantité d’organisations oeuvrant pour la concorde et la paix.

Genève héberge des organisations multilatérales gouvernementales et non gouvernementales et accueille des organisations et pays belligérants pour leur permettre d’y dialoguer. C’est vers Genève, plus précisément vers la salle dite de l’Alabama dans la cour de notre Hôtel de ville, que se sont dirigées les parties en conflit (après la guerre de Sécession) en 1872 pour chercher un arbitrage définitif. Cet arbitrage constitue une étape marquante dans le développement de la justice internationale et a contribué à l’émergence de Genève comme forum international.

En 2024, commencer à accueillir des alliances militaires détentrices d’armes de destruction massive et engagées dans une lutte géopolitique d’empire en concurrence avec la Chine, la Russie et à ses alliés, cela trahirait la vocation de Genève.

Accueillir un bureau de l’OTAN à Genève, à la Maison de la paix qui plus est, reviendrait à solder l’identité qui fait de Genève un lieu de discussion, de prévention et de résolution des conflits. La Suisse, Genève à fortiori, constitue un îlot de paix et de neutralité dans un monde marqué de plus en plus par les conflits.

Accueillir une alliance militaire en concurrence avec d’autres alliances militaires dont l’ambition est la domination territoriale, constituerait deux trahisons :

La trahison du politique qui a le primat sur le militaire.

La trahison de la vocation de neutralité de Genève et de la Suisse.

Même si la neutralité suisse n’est pas parfaite, l’installation de l’OTAN, une alliance militaire, porterait gravement atteinte à l’identité de forum international, neutre, de Genève.

La communauté internationale a besoin de ce forum comme lieu de rencontre visant l’impartialité.

Ces considérations m’amènent à questionner comme suit le Conseil d’État et à le remercier par avance de ses réponses :

  • Le Conseil d’État a-t-il été consulté par le Conseil fédéral lorsque l’OTAN a demandé l’autorisation d’installer un bureau à Genève ?
  • Que compte faire le Conseil d’État pour protéger Genève contre un dévoiement de son identité acquise jusqu’à présent de forum international neutre ?

[1] https://www.maisondelapaix.ch/fr/