Effet domino du trafic induit

Le projet est décrit par l’Office fédéral des routes (OFROU) comme une «suppression du goulet d’étranglement» entre le Vengeron et Nyon. Pourtant, il ressort clairement du rapport technique que cet office prévoit d’ores et déjà une augmentation du trafic dû à «l’attractivité liée à l’augmentation de la capacité offerte»2, qu’on appelle trafic induit. Les scénarios envisagés dans ce rapport présagent notamment une augmentation du trafic entre 3 et 14% par an3 et une saturation de cette portion de l’A1 seulement dix ans après sa mise en service4.

Logiquement, ce trafic supplémentaire va se reporter sur les différentes jonctions et se déverser dans les communes et villes alentour. Le rapport précité prévoit que le trafic journalier moyen à la sortie «lac» de l’autoroute, menant directement en Ville, passerait de 8300 véhicules par jour à 14 000, soit près du double, seulement douze ans après la mise en service. Pour la sortie à Versoix menant à l’aéroport, l’OFROU envisage une augmentation de près de 15 000 véhicules par jour en douze ans5.

C’est une course sans fin et perdue d’avance qui est admise par avance par la Confédération. A chaque augmentation de capacité, on renforce l’attractivité de ce mode de déplacement et on crée de l’engorgement supplémentaire sur les nouvelles infrastructures et aux lieux de départ et de destination des usagers et usagères. Il «faudra» ensuite prévoir des accompagnements: élargissement des voies secondaires, création de places de parking, etc.

Il est insensé d’alimenter encore cet engrenage qui saturera notre ville, déjà submergée de trafic individuel motorisé. C’est contraire à la Stratégie climat de la Ville de Genève qui s’appuie sur les objectifs du Plan climat cantonal genevois qui vise à réduire de 40% le trafic individuel motorisé d’ici à 2030 et de 80% d’ici à 2050. Ces objectifs, signés par la Suisse lors de l’accord de Paris sont inévitables, et sont soutenus par la population. En effet, le 18 juin 2023, la loi climat fédérale a été acceptée par près de 74,49% des votants et des votantes du canton de Genève (76,91% de OUI en Ville de Genève) et celle-ci prévoit une diminution de 57% des émissions des transports d’ici à 20406 et de 100% d’ici à 2050. Atteindre ces objectifs est complètement contradictoire avec toute augmentation du trafic motorisé.

Impact environnemental à l’échelle régionale

Ce projet a un coût énorme pour notre environnement à l’échelle régionale: énergie grise dépensée durant les travaux ou encore pollution atmosphérique et sonore supplémentaire liée à l’augmentation du trafic sur l’autoroute et dans les centres de départ et d’arrivée des véhicules, etc.

Nous rappelons qu’en 2022 encore, les valeurs limites d’immission prévues par l’Ordonnance fédérale sur la protection de l’air pour l’ozone et les microparticules étaient encore dépassées en Ville de Genève7 et que le principal émetteur de ces polluants reste le trafic routier8. Les pollutions atmosphérique et sonore ont des effets graves sur la santé. L’étude effectuée par le Service cantonal de l’air est édifiante: selon les données de 2016 à 2018, on estime qu’environ 280 décès, 14 cancers du poumon et 68 AVC par année seraient évités dans la partie suisse du Grand Genève si on réduisait la concentration en particules fines à son minimum. Ce sont aussi 1,2 milliard de francs de coûts de santé qui pourraient être économisés pour le Canton9.

Mais ces travaux impliquent aussi de grignoter du terrain sur des zones de terre et d’eaux et d’empiéter sur ou à proximité de biotopes dont nous dépendons toutes et tous, et pas seulement dans les communes directement concernées par l’élargissement de l’A1. Le rapport relatif à l’étude de l’impact sur l’environnement émis par l’OFROU liste les espaces et biotopes qui seront impactés par les travaux prévus. En voici quelques exemples:

  • emprises sur les terres cultivables (ou surfaces d’assolement) évaluées à environ 3820 m2 sur le canton de Genève10;
  • emprise sur le paysage boisé d’importance cantonale avec des défrichements prévus évalués à 9775 m2 sur le canton de Genève11;
  • élargissement du pont sur la Versoix, qui abrite des espèces piscicoles protégées au niveau national12;
  • emprise de 3500 m2 sur la prairie humide de la Jacallaz (Céligny), site prioritaire cantonal pour la conservation de la flore13.
  • Les mesures de compensation, financières ou autres, ne sont pas des réponses adéquates à la nécessité urgente de protéger les espaces naturels et la biodiversité.

L’agrandissement considérable de l’échangeur du Vengeron prévu dans le projet aura également des conséquences importantes, avec une nouvelle voie «aérienne» qui projettera le bruit loin à la ronde et des dommages majeurs au plan local, à cheval sur les communes de Bellevue et Pregny-Chambésy.

Des investissements coûteux au détriment du développement et des incitations aux mobilités douces et partagées

Les défenseurs de ce projet avancent qu’il ne faut pas opposer la route au rail. Cet argument n’est plus tenable dès lors que l’OFROU prévoit un effet d’attractivité des nouvelles infrastructures routières, et donc un frein au report modal. Nous avons besoin d’un réel changement de paradigme sur la mobilité pour effectivement sortir de l’engrenage, démontré ci-dessus, du «tout voiture» et respecter nos engagements pour la lutte contre le réchauffement climatique. Notre espace est limité, nos ressources également. Tout investissement qui vise à faciliter les déplacements en véhicule individuel motorisé se fait au détriment du développement du rail, des transports collectifs et des mobilités douces.

Considérant:

  • l’urgence climatique déclarée en Ville de Genève en février 2020;
  • la loi climat fédérale acceptée par plus de 59% des votant-e-s suisses visant à atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050;
  • la condamnation récente de la Suisse par la Cour européenne des droits de l’homme pour son inaction face au dérèglement climatique;
  • les effets dévastateurs du projet d’élargissement de l’A1 à l’échelle locale et régionale sur la congestion prévue du trafic automobile, et donc sur la pollution atmosphérique et sonore, sur les émissions de CO2, sur la santé des habitants et habitantes, sur la préservation des espaces naturels et de notre biodiversité,

le Conseil municipal déclare:

  • s’opposer à l’extension autoroutière entre le Vengeron et Nyon;
  • sa volonté de voir le Conseil administratif réunir les communes genevoises et vaudoises concernées afin de mener une opposition concertée à ce projet;
  • demander au Conseil administratif de déclarer son opposition à ce projet autoroutier qui contrevient aux objectifs climatiques que la Ville de Genève s’est fixés et porter cette position au sein de l’ACG et de l’UVG.