Echo du Grand Conseil de la session des 27-28 février 2020 par Yves de Matteis, député

Cette session du Grand Conseil a été caractérisée par des débats d’une très bonne tenue, avec des avancées sur le front des droits humains allant d’Assange aux vote des étranger-e-s et des personnes en situation de handicap à la 5G, avec l’acceptation ou le renvoi en commission de plusieurs textes importants.

Retraite des Conseiller.e.s d’Etat : renvoi en commission

Après le projet de loi de l’Alternative visant à supprimer la retraite à vie des Conseiller.e.s d’Etat, le Conseil d’Etat en exercice a proposé sa propre proposition alternative, qui est principalement constituée par une retraite courte, dans la mesure où les Conseiller.e.s d’Etat qui ne sont plus en activité peuvent, selon ce texte, retrouver du travail relativement rapidement. Ce projet a été renvoyé en commission, qui devra plancher sur « une solution intelligente, consensuelle et qui permettra peut-être le retrait de cette initiative ». Le texte a été renvoyé en commission des finances

Adoption d’une motion Verte sur l’accueil de Julian Assange

Le jeudi soir après 20h30 a été consacré aux urgences. Les Vert.e.s ont demandé l’urgence et le vote sur le siège d’une résolution du député Jean Rossiaud demandant à la Confédération d’accorder d’urgence un permis humanitaire à Julian Assange. La résolution a été votée à une très large majorité (57 oui, 4 abstentions et 16 non du PLR). Le Conseiller d’Etat Mauro Poggia a affirmé que le gouvernement genevois défendra avec détermination cette initiative cantonale parlementaire auprès du Conseil fédéral à Berne.

Jean Rossiaud : « Un visa humanitaire à Genève, ce n’est pas une demande d’asile. Julian Assange a besoin d’être rétabli dans sa santé physique et psychique après plus de 9 années de confinement à l’ambassade d’Équateur à Londres, puis dans une prison britannique de haute sécurité. Nils Melzer, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture a déclaré que la détention de M. Assange n’avait « pas de base légale » et que le traitement qu’il subissait devait être qualifié sans nul doute de « torture ». Julian Assange a besoin d’être soigné aux HUG afin d’être en condition de prendre une décision en toute capacité mentale et en toute connaissance de cause, sur la suite à donner à sa vie, comme par exemple choisir le pays où il souhaite demander l’asile. »

Large adoption d’un moratoire sur la 5G

Jean Rossiaud a également fait passer en urgence un projet de loi et une résolution pour rendre effectif le moratoire sur la 5G et la 4G+. « Il faut appliquer le principe de précaution, tant que nous n’avons pas la preuve que la 4G+ et la 5G ne sont dangereux ni pour la vie humaine ni pour la biodiversité. La nouvelle loi obligera les opérateurs à demander une autorisation pour la mise en place ou l’adaptation d’antennes sur le territoire cantonal. Le moratoire voté par le Grand Conseil en avril n’est pas respecté : les antennes sont passées de 14 unités en juin 2019 à 120 en janvier 2020, et de plus les opérateurs ont contourné le moratoire en procédant à des adaptations légères par une reprogrammation à distance d’antennes 4G. »

Comme l’indique le député Vert Mathias Buschbeck, un moratoire est indispensable, car la 5G « inquiète une partie croissante de la population, et aucune étude sérieuse n’a été faite sur la question ». D’autres députés renchérissent sur d’autres registres, évoquant « une intrusion massive contre la sphère privée » (Dimier, MCG), ou des questions de santé publique (Buchs, PDC).

Le chef de groupe Vert, Pierre Eckert, précise que le grand public s’est laissé prendre par les avancées technologiques dont on n’a pas forcément besoin, passant insensiblement de la 1G, 2G, 3G, 4G, et ne réagissant qu’au stade de la 4G. Est-il utile de multiplier les objets interconnectés ? D’avoir un frigo bientôt relié directement au shop d’un magasin, et qui passera directement commande quand il n’y aura plus de lait ? « Je revendique un contrôle démocratique sur les évolutions technologiques et c’est pour ça que nous voulons un moratoire sur ces évolutions que nous subissons plutôt qu’autre chose. »

Le Conseiller d’Etat Vert Antonio Hodgers salue un débat salutaire, face à des technologies qui s’immiscent presque à notre insu, nous forcent d’acquérir des appareils qui deviendront tour à tour bientôt obsolètes, créant des réponses à des besoins que nous n’avons pas forcément, l’offre créant le besoin. Le consommateur ne débat pas, mais le citoyen oui.

Si certains partis préfèreraient le renvoi en commission (PLR et UDC), c’est néanmoins une très large majorité qui vote le texte, adopté par 60 oui, 1 abstention et 35 non. La clause d’urgence, dont le texte pouvait être assorti, a par contre été refusée par 58 oui, 2 abstentions et 37 non, (la clause d’urgence nécessitant 2/3 pour être validée). La résolution invitant l’Assemblée fédérale à mettre en place un moratoire sur le 5G et la 4G+ sur l’ensemble de la Suisse est également acceptée par 56 oui, 0 abstentions et 36 non.

Droit de vote des personnes en situation de handicap

La majorité de la commission ayant examiné un projet de loi rétablissant les personnes en situation de handicap dans leur droit de vote avait estimé qu’il ne pouvait ressortir de la responsabilité d’une juge ou d’un juge que de déterminer si une personne en situation de handicap était en capacité d’exercer ou non son droit de vote et qu’il fallait donc supprimer de la Constitution le texte correspondant.

Cette disposition avait été introduite par la Constituante, mais s’est révélée peu praticable, ou du moins appliquée de façon excessive. Le risque de captation de suffrages avait été considéré comme minime. La mise en conformité avec la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) avait également été mise en avant.

Le texte, qui devait être considéré en procédure accélérée, a été sorti des extraits par un député PLR dans le but de remettre en cause la quasi-unanimité qui avait caractérisé l’adoption du texte en commission.

Les députés ont tour à tour souligné le bon travail effectué en commission (Guinchard, PDC), le fait que le vote est un droit, mais que les personnes ayant des difficultés cognitives ne sont pas obligées de l’exercer, ou qu’elles peuvent être accompagnées par des proches pour le faire (Eckert, Verts),

Antonio Hodgers a souligné que le Conseil d’Etat s’est impliqué concernant le texte, et que sa conclusion était que l’avantage de donner les droits politiques sans autorité judiciaire, primait sur les désavantages évoqués en commission, le plus saillant étant le risque de fraude. Pour les autorités, le préjugé est que les citoyens et citoyennes se comportent conformément à la loi.

In fine, la modification constitutionnelle est adoptée par l’Alternative, le PDC et l’UDC par 56 oui, 2 abstentions et 32 contre (PLR et MCG) avec un vote similaire pour la loi correspondante (58 oui, 2 absentions et 30 voix contre).

Pour des bâtiments de l’Etat plus efficaces au plan énergétique

Ce
projet de loi
, consistant à  rendre les bâtiments de l’Etat plus efficaces au plan énergétique, est éminemment Vert, a fait l’unanimité pour lui, le seul point sujet à controverse consistant en une modification demandée par le PLR qui désirait que les bâtiments propriétés des caisses de prévoyance ne soient pas concernés par la loi.

Il ne s’agissait ici pas d’une question de principe – les caisses de pension devant être tout autant exemplaires que d’autres entités – mais bien plutôt d’une question légistique. Selon le PLR, inclure ces bâtiments reviendrait à s’immiscer dans les affaires des institutions de prévoyance, qui sont des entités privées, ce qui contredirait le droit fédéral. In fine, l’amendement PLR sera accepté à deux votes près, et le texte ainsi amendé adopté à 88 voix contre, 4 abstentions et 0 voix contre.

Pour permettre un véritable accès à une formation de reconversion

Ce projet de loi consistait à modifier la loi existante pour permettre à une personne de moins de 30 ans de bénéficier d’une bourse ou d’un prêt en vue d’une reconversion professionnelle s’il s’agit d’une première formation. L’ensemble du parlement a voté cette loi, sauf les député-e-s PLR (66 oui, une abstention et 26 non PLR)

Cette motion déposée par le PLR, consistant à réduire d’une semaine les vacances d’été, pour pouvoir étendre les vacances de Pâques à deux semaines (dès le vendredi saint, pour profiter du pont de l’ascension). La majorité de la commission s’était exprimée par contre pour ne pas profiter du jeûne genevois pour faire le pont.

Pour les intervenants Verts, d’où le principe de cette motion émanait, la proposition du PLR n’est pas satisfaisante. Elle n’a pas été le lieu d’une consultation et de prise en compte des besoins des parents. In fine, les Verts se sont abstenus ou ont voté contre la proposition (62 oui, 11 abstentions et 19 non).

Pour favoriser la révolution numérique auprès des jeunes

La motion a été l’occasion de souligner les contradictions typiques du PLR, qui dépose une motion demandant une révolution numérique, afin d’enseigner aux jeunes les rudiments de la programmation et les enjeux du numérique, pour, dans le même temps, refuser en commission des finances les moyens d’une telle révolution en refusant de financer les postes nécessaires pour la réaliser. Sur le fond, comme l’a souligné la députée Verte Katia Leonelli, « il est essentiel de répondre aux avancées technologies, mais il faudrait pour cela engager de vrais moyens financiers, ce que ne permet pas la droite. »

La prochaine séance du parlement du Canton de Genève aura lieu le jeudi 12 mars de 17h00 à 23h00 et le vendredi 13 mars de 14h00 à 20h00 (visible en streaming sur le lien suivant).