Urgence sanitaire, sucre et logement : une session bien étrange
Echo du Grand Conseil de la session des 12-13 mars 2020 par Pierre Eckert, député et chef de groupe
La session du Grand Conseil qui vient de s’achever était en grande partie marquée par le spectre du virus. La session allait-elle se tenir ? Quelles informations quant à la santé de la population allaient-elles nous être données ? Quell soutien l’Etat pourrait-il apporter à la société en ces temps de pandémie sans précédent ?
Les parlementaires ont principalement traité en urgence des sujets concernant les conséquences de la crise sanitaire et déposés le matin même de la session. Difficile donc de se faire une idée précise sur la pertinence des textes proposés.
Nous avons soutenu le projet de loi proposé par le Conseil d’Etat permettant d’attribuer à la Fondation d’aide aux entreprises (FAE) une ligne de crédit de 50 millions de francs afin de lui permettre de répondre aux besoins de trésorerie des entreprises se trouvant en situation passagère de manque de liquidités. Ces crédits doivent être remboursables dans les meilleurs délais. Malgré un enthousiasme modéré des Vert.e.s, le parlement a également adopté une motion redondante de l’UDC demandant de créer un fond d’aide aux entreprises et aux organisateurs de manifestations sportives et culturelles. Un projet de loi du PDC demandant de prolonger le délai de paiement des impôts sans intérêts moratoires supplémentaires a été renvoyé en commission. Frédérique Perler s’est exprimée à ce sujet en plénière : « Une contrepartie à l’intervention des pouvoirs publics lors du retour à la normale est nécessaire. Les entreprises devraient faire un geste (salaires, horaires, congé paternité, retraites, CCT, etc.). »
Mais il ne suffit pas de soutenir les entreprises, le soutien des individus est également primordial en ces temps troublés. La résolution du PS demandant un suivi au plus proche des acteurs des milieux économique, sportif et culturel, particulièrement ceux liés à l’événementiel n’a malheureusement pas franchi l’étape de la discussion immédiate. Une autre résolution d’EàG prévoyant de déplafonner les dépenses de santé publique et sociales en contrepartie d’un impôt exceptionnel de solidarité fera un tour en commission. Nous regrettons en fin de compte que seules les entreprises aient été servies, mais nous comptons sur nos autorités exécutives pour soutenir d’autres acteurs, notamment les milieux culturels.
Les Vert.e.s ont pour leur part préféré l’outil de la question urgente écrite. Katia Leonelli a ainsi questionné le Conseil d’Etat jeudi sur ce qu’il compte entreprendre pour soutenir le milieu festif et culturel genevois, et notamment : « serait-il concevable et juridiquement possible de créer un fonds d’aide en cas de difficultés liées à l’interdiction d’événements au profit des entreprises et des personnes indépendantes gravement touchées et pour garantir des emplois ? Si oui, le Conseil d’Etat serait-il prêt à créer un tel fonds pour compenser la perte d’emploi ? Le canton serait-il disposé à soutenir les petites entreprises, les travailleur.euse.s culturel.le.s et les artistes qui ont été particulièrement touché.e.s par la situation (par exemple en fournissant des conseils juridiques gratuits, en réduisant les loyers des locaux appartenant au canton, en créant une plus grande sécurité de planification dans le secteur des événements, etc.) ? » Les réponses à ces questions devraient tomber à la session de mai, la session d’avril étant reportée.
Deux autres sujets ont toutefois été traités. L’un nous tenait particulièrement à cœur et concernait une taxe sur le sucre. Marjorie de Chastonay s’est exprimée en ce sens en plénière : « La taxe peut paraître comme une mesure injuste de prime abord, mais pour nous les Vert.e.s, il s’agit d’UN MAL POUR UN BIEN ! Le mot « taxe » peut paraître effrayant, mais il s’agit de produits qui sont nocifs pour la santé et qui peuvent très bien être compensés par des produits naturels. Il existe déjà des taxes sur des produits nocifs sans que cela pose de problèmes financiers ou éthiques à la population, par exemple les taxes sur l’alcool ou les cigarettes qui sont considérées comme des addictions, tout comme le sucre. C’est donc un instrument incitatif acceptable pour diminuer la teneur en sucre des aliments ! » La motion ainsi qu’une résolution de commission ont été renvoyées au Conseil d’Etat et c’est donc une victoire pour la prévention en matière de santé publique !
Au rang des mauvaises nouvelles, la droite nous a de nouveau sorti une de ses attaques favorites : la répartition des logements dans les zones de développement. David Martin s’est exprimé en ces termes : « En 2007, le Grand-Conseil a adopté une loi qui aurait dû permettre de construire davantage de logements abordables. Or que s’est-il passé depuis 2007 ? Nous sommes toujours à un taux très bas de 0,54% de vacance, les augmentations en cas de changement de locataire sont en moyenne de 10% depuis 10 ans, la part de logements d’utilité publique (LUP) est péniblement passée de 8,5% en 2007 à 10,6 en 2018.
Les catégories de logement dans les nouveaux quartiers doivent être adaptées pour mieux correspondre aux catégories socio-économiques du canton et donc de modifier la loi. La droite veut garder le statut quo avec la loi qu’elle dépose aujourd’hui, coupant ainsi l’herbe sous les pieds du référendum sur lequel le peuple votera cet automne et que nous appelons à soutenir ». Le projet de loi du PLR a malheureusement été accepté malgré notre opposition, mais le Conseil d’Etat n’a pas demandé le 3e débat car sa mise en vigueur rendrait le vote du référendum inutile.
La session a été conclue vendredi en début de soirée par une information du Conseiller d’Etat Mauro Poggia sur la situation sanitaire du canton et les mesures prises par le Conseil d’Etat. Suite à quoi, la session a été levée et tous les travaux parlementaires (plénières et commissions) suspendus pour une durée indéterminée.
La crise est sérieuse, nous le savons. Le confinement que nous vivons doit nous préparer dans quelques semaines ou mois à nous recentrer sur des valeurs sociales et environnementales empreintes de davantage de sens et de sobriété.