Par Julien Nicolet-dit-Félix, ancien co-président de la FAMCO (Fédération des associations des maîtres du CO) et membre du comité des Vert-e-s genevois-es (2016-2020). Ce texte est paru dans la rubrique Courrier des lecteurs de la Tribune de Genève le 26 avril 2022. 

«Quelle horreur ! Une école qui impose aux enfants les plus doués (les nôtres, cela va de soi) de côtoyer ceux qui ont de la peine (les leurs, évidemment) !»

Voilà qui résume, à quelques nuances près, l’effarouchement des référendaires qui, après quelques péripéties (pas si facile de s’abaisser à approcher des inconnus pour récolter des signatures !), font désormais campagne contre la nouvelle réforme du Cycle d’Orientation.

Soyons clairs, s’il était vraiment question de le réformer, le Cycle d’Orientation, s’il y avait ici un André Chavanne du 21e siècle, ce ne sont pas ces quelques ajustements qui seraient proposés. Non, ce serait une école fondamentalement nouvelle, où les grilles horaires, les disciplines, les méthodes et les murs des écoles mêmes seraient transformés.

Mais la réalité politique – locale et intercantonale – impose des progrès modestes, basés sur des méthodes largement éprouvées ailleurs. La mixité, la différenciation, l’intégration sont des termes que nous utilisions quotidiennement il y a vingt-cinq ans lorsque je faisais mes études pédagogiques. L’hétérogénéité, les élèves et les enseignants la pratiquent largement, sans que cela soit avoué, tant les compétences et les expériences réunies dans les classes – en particulier de r3/LS – sont variées.

Avant de changer de trajectoire professionnelle, j’ai eu le plaisir de participer – en tant que représentant des maîtres du CO – aux premiers travaux d’élaboration de CO22. Je peux témoigner tout à la fois de l’excellence des professionnels qui y ont contribué et de leur frustration lorsque, pour des raisons de réalisme politique, les propositions les plus audacieuses se voyaient écartées.

Ceux qui affirment que CO22 transformerait l’école en «laboratoire d’expérimentation» (sic !) vous mentent et montrent leur peu de considération envers le professionnalisme des enseignants. Les vraies expérimentations nuisibles à nos enfants, ce sont les refus, par ces mêmes référendaires, année après année, des budgets de la formation, des postes dans l’éducation spécialisée ou dans le soutien scolaire !

Le système actuel est à bout de souffle. Les classes de r1/CT qui fonctionnent bien sont de plus en plus rares et les classes de r3/LS sont de plus en plus bondées. Dans ce contexte, réduire les effectifs, répartir les élèves en difficulté plutôt que de les regrouper, proposer des parcours adaptés qui tiennent compte des compétences spécifiques des élèves dans différentes disciplines (mais pourquoi toujours les mêmes ?), voilà qui semble plutôt raisonnable.

CO22 n’est sans doute pas une potion magique, mais c’est une réforme parfaitement applicable qui permettra – si les moyens nécessaires à sa mise en œuvre suivent – de proposer à tous les élèves un cycle qui leur permette encore mieux qu’aujourd’hui, de grandir, d’apprendre et de s’orienter. C’est pourquoi il faut soutenir ce projet.