Il y a des malaises dans le logement à Genève.

Heureusement il y a aussi un grand espoir.

Par Philippe de Rougemont, candidat au Grand Conseil, membre fondateur de 3 coopératives d’habitation.

A Genève, trois-quarts des ménages sont locataires, ils habitent souvent dans des logements avec en arrière toile d’ambiance, la peur de gêner, de contrevenir aux règles de la régie. Les espaces verts entre immeuble et rue sont souvent clôturés et tondus à ras, sans être utilisés, pour « faire bien » et contribuer à justifier un loyer élevé, sinon pour quelle autre raison ? D’autres chicaneries de régies, qui ne font pas la règle mais le règlement, imposent une retenue chez l’habitant, pour préserver le standing, au détriment de la convivialité. Tout comme le régisseur, le propriétaire, une personne, ou un fonds de placement, sont toujours ailleurs, pour le propriétaire, parfois dans un autre continent. Quand il s’agit de rénover les immeubles, pour éviter de surconsommer du mazout, les propriétaires boudent les subsides fédéraux et ne rénovent pas, ou alors procèdent à une rénovation qui apporte que du prestige. Pourquoi ne cherchent-ils pas les subsides qui encouragent les rénovations thermiques ? Parce qu’ils devraient alors dévoiler leur rendement locatif et ainsi montrer qu’ils n’ont pas fait bénéficier les locataires des baisses de taux hypothécaires.

Ce n’est pas agréable d’énumérer les exemples qui font passer la situation de 75% des ménages, les régies et les propriétaires pour des protagonistes d’un système un peu féodal qui tarde à passer. Alors abrégeons et passons au grand espoir, réaliste, annoncé en titre.

Il y a un engouement évident en faveur de la vie en coopérative d’habitation. De notre femme de ménage d’origine bolivienne, à des doyens de la famille ou des mères de familles venues à une réunion des parents d’élèves, il y a une grande variété de gens qui partage leur envie de trouver un logement en coopérative. Les réponses que je leur donne avivent encore leur intuition première. En coopérative, votre loyer s’arrête à couvrir les seuls coûts réels de l’amortissement bancaire, des provisions pour petits et gros travaux, des coûts de l’énergie. Pas plus. Pas un sou pour un propriétaire déjà riche, pas un sou pour une régie qui fait ce que les habitants peuvent très bien faire eux-mêmes. En coopérative il y a naturellement un ou des espaces communs, des chambres d’amis, un lieu où les enfants sont nourris à midi à tour de rôle par des parents qui coopèrent. Pas d’ascenseur si les habitants ne pensent pas que c’est une priorité, mais plutôt l’ajout de balcons. En coopérative on ne tarde pas à bien isoler le bâtiment et remplacer le mazout par les pellets, parce qu’on n’a pas de revenu locatif à dissimuler et parce qu’on est les premiers bénéficiaires en payant moins pour l’énergie. En coopérative s’il y a des bénéfices en fin d’année, ils sont re-circulés dans des investissements, au lieu d’être siphonnés dieu-sait-où. Si un ménage coopérateur décide de déménager, la coopérative lui rendra la valeur de son fonds propre sans intérêts, parce qu’il n’y a pas de raison que le bâtiment génère de profit, l’argent est re-circulé dans l’intérêt de la collectivité. Chaque nouveau bâtiment en coopérative est donc, un a un, soustrait à la spéculation immobilière. En coopérative les coopérateurs sont égaux, quel que soit le nombre de parts détenus, vous avez droit à une voix.

Comme Anne Holenweg le résume bien dans un dossier consacré aux coopératives, « la coopérative permet de rompre en douceur avec le capitalisme ».

Parmi les recettes de bonheur agitées en période électorale, il y en a dans lesquelles vous pouvez croire plus qu’en d’autres. Il y en a qui sont à la fois réformistes et révolutionnaires. La coopérative, d’habitation, de production ou de consommation a une solide histoire derrière elle. Elle n’a rien à prouver. Par contre nous, nous avons tout à prouver pour mettre le paquet et faire en sorte de sortir ce modèle de sa marge idéale et d’en faire un modèle standard. Et pourquoi pas envisager comment des habitants pourraient se fédérer en coopérative et tenter le rachat du bâtiment les abritant ? Ca ne sera pas possible avec tous les propriétaires mais ce n’est pas une raison pour ne rien faire dans cette voie-là.

Aujourd’hui, avec un taux d’imposition des entreprises pensé pour être attractif, le pouvoir a besoin de faire passer la pilule du bétonnage, pour urbaniser, densifier et loger les nouveaux venus. Espérons que le modèle coopératif ne serve pas de faire-valoir, mais de meilleur modèle, en période de surchauffe ou pas.

Alors entre l’agglomération compétitive des intérêts privés d’une part et l’association volontaire dans l’intérêt de tous d’autre part, nous disons « coopérons ! ». Cela va d’ailleurs si bien avec les valeurs traditionnelles du pays.