On s’en doutait : c’est confirmé ! La nouvelle droite balaye tout ce qui n’émane pas de ses rangs dans le but – à peine voilé – de démotiver ce qui ne va pas dans son sens, et surtout la gauche. Lors de la session, si Vert.e.s et Socialistes ont pu compter sur le MCG pour certains textes, le reste de la droite a fait bloc, y compris la députation de Libertés et Justice sociale (LJS), plus à droite et moins humaniste que l’ex-parti radical (auquel on l’assimile parfois), malgré son slogan de campagne « à gauche ET à droite ».

Lors de cette session, des textes portant sur l’enseignement ou la fiscalité ont été traités, et passablement de textes touchant aux droits humains (et pourtant adoptés en commission) ont été refusés ou renvoyés en commission. La législature s’annonce difficile, même si le recours au peuple reste possible. Plus de détails ci-dessous.

La session a commencé avec la démission de Philippe Morel, lequel va quitter le Grand Conseil après y avoir siégé de longues années, ceci suite au fait qu’il va siéger au conseil d’administration des HUG. Un nouveau député MCG, M. Christian Steiner, a donc prêté serment en début de cette séance.

L’ordre du jour s’est poursuivi (il s’agit de la suite des séances du 25 et 26 janvier dernier), et le Grand Conseil a pu traiter les points 46 à 69 de son ordre du jour (le parti des premiers signataires est entre parenthèses après le numéro du texte, qui est accessible en cliquant sur le lien).

  1. PL 13185-A (EAG). Le texte visait à réduire le rabais de 12 % d’impôts pour les personnes physiques revenus imposables supérieur à 300’000.- CHF. Julien Nicolet-dit-Félix : « Dans une récente intervention, notre Conseillère d’Etat estimait que certains objets fiscaux « polluaient notre ordre du jour ». Mais la vraie pollution, celle de notre air, de notre terre et de notre eau est précisément produite par celles et ceux qui ont tellement d’argent qu’ils ne savent pas quoi en faire. C’est aussi pour cela qu’il faut demander plus de justice fiscale ».

Le texte a été rejeté par 64 non et 31 oui (Vert.e.s et PS).

  1. PL 13186-A (EAG) Le texte visait à garantir l’indexation des membres de la fonction publique. Le texte a été rejeté par 65 non et 32 oui (Vert.e.s et PS).
  2. PL 13187-A (UDC) Le texte visait à soutenir une participation financière de 500’000.- CHF (voire 50’000 sur un amendement) du canton pour la rénovation de la caserne de la garde suisse à Rome. Le Conseil d’Etat s’est exprimé contre cette participation pour respecter la laïcité de l’Etat. Pierre Eckert : « Une participation financière à la reconstruction de caserne de la Garde suisse au Vatican est manifestement contraire à la loi sur la laïcité. « La Garde suisse est considérée comme une instance dépassant largement le simple décorum ; son rôle est d’assurer la sécurité du pape et des cérémonies religieuses ». »

Le texte sera rejeté par 50 non (Vert.e.s + PS, LJS, et des voix PLR et Centre éparses), 43 oui (UDC, MCG, PLR et voies éparses), et 2 abstentions.

  1. PL 13333-A 13334-A (UDC). Ces deux projets de loi visaient à abroger les deux lois actuellement en vigueur, une loi générale sur l’égalité et l’interdiction des discriminations (LED) et une loi spécifique portant plus spécifiquement sur l’égalité femmes/hommes et les questions LGBTIQ+. Les projets de loi ont été rejetés pour le13333 A par 79 non, 9 oui UDC et deux abstentions UDC et pour le 13334 A par le même nombre de votes (par mains levées du fait d’un dysfonctionnement du système).
  2. M 2443-B (MCG) Motion sur la limitation de l’imposition de la valeur locative (le but pour la droite est soi-disant de soulager les petits propriétaires, alors que pour la gauche ces propriétaires bénéficient déjà de plusieurs déductions, ce qui justifie le maintien de cette imposition). La motion étant caduque – la question est en train d’être traitée au niveau fédéral – le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
  3. M 2498-A (PS) lié avec le point 62 (R-870-A et R-878). Il s’agissait ici notamment de soutenir le travail des ONG humanitaires face à la tragédie des naufrages à répétition en Méditerranée centrale, ceci du fait du durcissement de la loi sur l’asile et des lois sur l’asile en général en Europe. Le texte est rejeté par 31 Oui (PS et Vert.e.s), 54 non (le reste du parlement) et 1 abstention (MCG), la R-870-A est refusée par 32 oui (PS et Vert.e.s), 60 non (le reste), et la R-878 est refusée par 39 oui (PS, Vert.e.s et Centre), 51 non (le reste).
  4. M 2553-A (Vert.e.s) pour un congé paternité de quatre semaines à l’Etat et pour la prise en compte des familles homoparentales (pour un montant de moins d’un million). Le Conseil d’Etat intervient pour dire toutes les invites sont déjà remplies sauf une : la seule question qui reste est le fait de savoir si le Conseil d’Etat désire donner deux semaines de congé à ses employés hommes. Mais la question devrait être traitée pour l’ensemble des pères (y compris non fonctionnaires) par la loi. Le texte, avec plusieurs amendements, est acceptée par 53 oui (PS, Vert.e.s, Centre et MCG), 38 non (UDC, PLR et LJS) et 2 absentions.
  5. M 2566-A. (PS) sur un Label égalité femmes-hommes : « encourageons les entreprises à s’engager sur la voie de l’égalité ». Pierre Eckert :  » Mesdames et messieurs, la Suisse et le canton de Genève sont loin d’être exemplaires en matière d’égalité et de non-discrimination. Nous soutenons le principe d’un label qui soit visible de toute entité, qu’elle soit privée ou publique, qui souhaite faire appel à une entreprise disponible sur le marché. Les consommatrices et les consommateurs responsables souhaitent pouvoir acheter les produits ou des services en fonction d’un certain nombre de critères de leur choix. »

Cette motion est refusée par 26 oui (PS et Vert.e.s), 52 non (le reste).   

  1. M 2575-A (EAG) intitulée « La décharge de 50% accordée au/à la présidentꞏe du Cartel intersyndical doit être absolument maintenue dans l’intérêt du dialogue social ». Le renvoi en commission est accepté par 49 oui (UDC + PLR + Centre + LJS), 46 non (PS + Vert.e.s + MCG) et 0 abstention.
  2. M 2577-A (Vert.e.s) intitulée « pour la création d’un dispositif (par exemple un label) permettant de reconnaître et valoriser les entreprises actives en matière d’inclusion, de promotion de la diversité et de prévention des discriminations ». Pierre Eckert : « La motion M2577 déposée par les Vert-e-s est très généraliste, flexible et peu contraignante pour l’Etat.
  • Elle a été élaborée d’entente avec les syndicats et des associations représentant les entreprises. Elle ne tombe donc pas de nulle part elle a été élaborée d’entente avec les partenaires concernés.
  • Elle poursuit l’objectif de n’introduire qu’un seul dispositif permettant de reconnaitre et de valoriser des entreprises active en matière d’inclusion, de promotion de la diversité et de prévention des discriminations.
  • Plus spécifiquement, cette certification peut concerner l’égalité hommes-femmes, l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, le racisme, l’antisémitisme ou tout type de discrimination basée sur des caractéristiques physiques ou religieuses, voire les situations de handicap.
  • Elle permet d’attribuer divers types de niveaux de certification en fonction de la taille et du type d’entreprise. Cela peut aller de simples mails de mise en éveil, jusqu’à des modules de formation ou des politiques RH plus volontaristes.

La motion a reçu le soutien de la CGAS et du BPEV, ainsi que du Conseil d’Etat. Elle a malheureusement été refusée par la majorité de droite du parlement. »

La motion a été refusée par 28 oui (PS+Vert.e.s), 61 non (le reste) et 0 abstention. Mais, point remarquable, le Conseil d’Etat s’est prononcé, par la voix de Mme Fontanet, en faveur de cette motion Verte.

  1. M 2633-B intitulé « Lorsque le télétravail devient possible ». La motion a été retirée par son autrice.
  2. M 2643-A (MCG) « obligeons l’Etat à engager un pourcentage de travailleuses et travailleurs de plus de 50 ans » La motion est retirée par le MCG.
  3. M 2692 (MCG) « mettons fins aux limitations du télétravail dû au travail frontalier ». La motion est acceptée par le seul MCG.
  4. M 2725-A (UDC) « suspendre les intérêts en faveur de l’Etat pour l’année 2021 ». La motion visait à prolonger la validité d’un arrêté pour suspendre les intérêts moratoires (difficultés de paiements) du fait « de catastrophes ou de situations extraordinaires », comme le dit la Constitution. La motion n’est plus d’actualité et est donc rejetée par 11 oui (UDC), 68 non (le reste du parlement).

5. M 2781-A (MCG) « Etat de Genève, mettons fin aux abus ». La motion vise à protéger les fonctionnaires qui pourraient être licenciés trop rapidement, et garantir une enquête administrative sur toute demande des fonctionnaires concernés. Julien Nicolet-dit-Félix : « Entre les situations de révocation d’un fonctionnaire, où la faute est incontestable et celle de la résiliation, où ce sont des éléments extérieurs à sa volonté qui le rendent incapable d’accomplir sa mission, il y a une zone floue et, même si cela concerne un nombre très faible de membres du personnel de l’Etat, il est nécessaire de s’assurer qu’il n’y a pas de place à l’arbitraire lorsqu’il s’agit de mettre un terme aux rapports de travail ».

Après un renvoi en commission refusé, la motion a été refusée par 42 oui, 48 non et 0 abstentions.

6. R-858-A (EAG) « égalité des personnes LGBTI+ » et la R-903 (pour les droits des personnes LGBTIQ+). Alors que la R-903 avait eu une large majorité, le durcissement des positions face à ces thématiques n’était plus garanti si le traitement était fait immédiatement. Par ailleurs, des amendements étaient proposés pour tenir compte de l’actualité. L’UDC a demandé un renvoi en commission pour la R-903, qui a été accepté par 79 oui, 11 non et 0 abstentions. L’autre résolution, la 858-A, qui était un peu trop complète (de nombreuses invites étaient déjà remplies, même ), a été refusée par 29 oui (PS+Vert.e.s), 62 non (tous les autres groupes) et 0 abstentions.

7. R 875-A (PS) « pour que les cantons soient libres d’instituer un congé parental ». Julien Nicolet-dit-Félix :

« Depuis la votation fédérale de 2021, notre canton ne fait plus que d’appliquer le minimum légal en matière de congé paternité. Nous devons absolument être exemplaire en allongeant le congé du parent qui n’accouche pas, pour d’évidentes raison de qualité de la relation avec le nourrisson. »

Cette résolution a été acceptée par 76 oui (tous groupes sauf UDC), 11 non (UDC) et 2 abstentions.

8. R 930-A (PS) « Biélorussie, stop aux violations massives des droits humains sur le territoire d’une des dernières dictatures d’Europe ». Cette résolution a été refusée par 28 oui (PS+Vert.e.s), 55 non (tous les autres groupes). 

9. R 957-A (EAG) « Face à la crise et aux nouveau contextes politique international un changement de cap fiscal s’impose ». Cette résolution a été refusée par 27 oui (PS+Vert.e.s), 61 non (tous les autres groupes) et 0 abstentions.

10. R 991-A (PS) « pour que les avoirs des caisses de pension publiques genevoises ne financent pas la guerre de Poutine ». Marjorie de Chastonay : « Même si tout cet argent ne tombe pas forcément, sous le coup des sanctions, nous pouvons dès lors constater que la traque au contournement des sanctions est bien d’actualité.  Dans ce contexte, les Vertes et les Verts, nous sommes favorables à plus de transparence, à plus d’informations de la part de toutes les entités ayant reçus l’argent de Russie. »

Cette résolution a été refusée par 27 oui (PS+Vert.e.s), 58 non (tous les autres groupes) et 1 abstentions. 

11. R 1001-A (MCG) « pour une solidarité gouvernementale envers la population ». Cette résolution demande de réduire les taxes étatiques sur les carburants. La commission n’est pas entrée en matière car le sujet avait déjà été traité à Berne (pour demander une diminution de 50 %), et massivement refusé. Il s’agirait d’un coût massif qui privilégierait la route. Cette résolution a été refusée par 23 oui (MCG et UDC), 69 non (tous les autres groupes) et 1 abstention (UDC).

12. R 1007-A (PS) « Solidarité avec le peuple iranien, la Suisse peut et doit agir. Cette résolution a été refusée par 37 oui (PS+Vert.e.s+Centre), 45 non (tous les autres groupes sauf LJS) et 11 abstentions (LJS et 1 MCG). Cette résolution fait partie des textes concernant les droits humains qui avaient eu une majorité en commission et qui ne l’ont plus eu en plénière du fait du positionnement plus conservateur de la nouvelle droite.

13. RD 1360-A et PL 11772-C (retiré par le PS). Le RD 1360-A le RD 1360-A sur la suppression des traitements hors classe, il est pris acte de ce rapport.

14. PL 11926-A (PLR) modifiant la loi sur l’instruction publique « formation des enseignants du primaire en trois ans (NDR. au lieu de quatre comme jusque-là).

Julien Nicolet-dit-Félix : « Il faut rendre hommage aux enseignant.e.s du primaire qui sont les héros de notre école républicaine. On ne trouve pas de pétrole sous la plaine de Plainpalais et on n’y cultive, malheureusement, plus de cardons. C’est bien la formation qui fait la richesse de notre canton et plutôt que de la réduire, il faut au contraire la renforcer. »

Laura Mach :  » Pourquoi a-t-on déposé ce projet de loi […] : Genève serait « désavantagé » car les enseignants du primaire arriveraient plus tard sur le marché du travail […] car la formation des enseignant du primaire se fait en 4 ans, alors qu’ailleurs elle se fait en 3.    […]

Mais prenons un peu le temps de chercher les arguments déployés autour de ce PL :

Le raccourcissement de la formation des enseignants en la passant de 4 à 3 ans coûterait peut-être moins cher ? et bien la réponse est non, car on apprend que c’est justement parce que cela coûtait moins cher quelle a été intégrée à l’université, histoire de toucher des subventions fédérales ce qui n’arrive pas pour une HEP.

Est-ce une insatisfaction de la part des étudiants ?

Toujours pas, car on apprend que les étudiants sont dans leur grand majorité en faveur de la formation en 4 ans, et le taux de réussite est particulièrement bon à Genève qui peut se targuer de plus de 90%, alors qu’à titre de comparaison, elle n’est que de 70% dans certains cantons au cursus en 3 ans.

Cherchons encore du côté du fonctionnement institutionnel : y a-t-il un problème lié au fait que les enseignants sont formés à la fois pour le cycle élémentaire et le cycle moyen, plutôt que de devoir compléter leur cursus s’ils veulent un changement ce qui est le cas des enseignants formés en 3 ans?

Et bien là encore, on apprend que la spécificité genevoise qui permet aux enseignants du primaire de passer facilement d’un cycle à l’autre ne comporte que des avantages, d’abord pour se représenter le travail de l’autre, mais aussi en terme de mobilité professionnelle immédiatement accessible.

Dernier argument invoqué : une formation en 4 ans serait trop théorique, 3 ans c’est se plonger plus vite dans le bain. Alors oui, la part pratique doit être augmentée, et a été d’ailleurs proposée dans une proposition du département, mais la réduire à 3 ans, c’est annuler les moments de pratiques intégrés dans le programme et diminuer ls modules consacrés aux enfants en difficulté et à la problématique du harcèlement, cela reporte la mise dans le bain dans un contexte sans encadrement, ce qui est contraire aux recommandation de la CDIP, Ceci sans parler des coûts de formation complémentaire obligatoire qui reviendrait au canton.

Est-ce donc finalement ce que veut ce parlement ? un bachelor en 3 ans qui va obligatoirement devoir être complété par des formations financées par le canton, et qui demandera d’interrompre la formation des enseignants sur une année pour la refonte du programme. C’est un gros chantier qui serait lancé, sans avoir évalué la perte en qualité du contenu de la formation ; cela paraît pour le moins hasardeux. Car le PL ne demande pas de créer une HEP dont on nous vante les bienfaits car plus proche du terrain, mais bien de laisser la formation à l’université. N’y a-t-il pas un petit problème ?

Marjorie de Chastonay : « L’effet négatif d’une formation diminuée affecterait ainsi le statut même de GENERALISTE ET NE permettrait plus d’enseigner au cycle 1 et au cycle 2. C’est directement l’UNICITE DU STATUT et la MOBILITE PROFESSIONNELLE qui sont attaquées. »

Ce Projet de loi a été accepté par 64 oui (MCG et UDC), 31 non (tous les autres groupes) et 0 abstention.

Par Yves de Matteis, député