Par Sophie Bobillier, députée et Céline Bartolomucci, députée suppléante, représentantes des Vert-e-s au comité unitaire Pas de crèches au rabais!

On parle de quoi ?

Cette modification de loi — portée par la droite — vise à supprimer les usages professionnels dans le domaine de la petite enfance et permettrait aux employeur-euse de s’écarter des conditions de travail minimales (salaires, vacances, formation, etc.) prévues dans ce secteur. Les employeur-euse-s ne seraient désormais limité-e-s que par le salaire minimum.

  1. C’est une attaque contre les acquis sociaux

Cette loi constitue une attaque directe contre les acquis sociaux, en particulier ceux qui ont été durement gagnés – par des décennies de lutte – par les travailleurs et travailleuses du secteur essentiellement féminin. Elle dévalorise le travail du care, de l’éducation et de l’enfance, ouvrant ainsi la porte à des salaires nettement inférieurs pour le personnel des crèches.

2. Dumping salarial qui ne créera ni place ni réduction des tarifs pour les parents

Cette modification engendrera un dumping salarial qui non seulement ne créera pas de nouvelles places, mais mettra également en péril les conditions de travail minimales du personnel de la petite enfance. Nous faisons actuellement face à une pénurie de main-d’œuvre qui sera aggravée avec une dévalorisation du métier. Elle permettrait aux crèches privées d’augmenter les marges des crèches privées, sans pour autant améliorer l’offre ou rendre les tarifs plus abordables pour les familles.

3. Répondre aux besoins de la société

Il est impératif que notre société réponde aux besoins réels en matière de garde d’enfants. Nous devons investir dans une politique de la petite enfance qui garantisse des crèches de qualité, avec un personnel bien formé et rémunéré, accessibles à tous les parents. Rejeter cette loi est une étape essentielle pour assurer un avenir où aucun enfant ne sera laissé pour compte.

4. Un NON soutenu par le Tribunal fédéral[1]

Dans un arrêt du 9 avril dernier, le Tribunal fédéral a sèchement condamné une SA exploitant des crèches privées genevoises qui s’opposaient à l’application des usages. Cette entreprise privée considérait à tort que cela violait la liberté économique et créait une distorsion de concurrence avec les crèches subventionnées. Le Tribunal fédéral a dit qu’il ne voit pas en quoi imposer les mêmes règles à toutes les structures serait constitutif d’une inégalité de traitement. Il relève que les structures subventionnées ont en plus d’autres obligations que les crèches privées, comme celles de fixer les tarifs en fonction des revenus des parents ou le devoir d’accueillir tous les enfants sans discrimination, en particulier les enfants avec des besoins spécifiques. Il a précisé qu’il existe un intérêt public à garantir aux travailleur-euse-s du secteur de la petite enfance des conditions salariales plus favorables que le salaire minimum genevois. Le Tribunal fédéral confirme que cela permet d’éviter la sous-enchère salariale et d’assurer la qualité de la prise en charge des enfants. La loi sur l’accueil préscolaire poursuit ainsi des objectifs de politique sociale et un intérêt public. Les considérants du Tribunal fédéral rejoignent les conclusions du comité référendaire qui appelle à voter non à la modification de la loi.

[1] Arrêt 2C_577/2023 du 9 avril 2024, lien : https://www.bger.ch/ext/eurospider/live/fr/php/aza/http/index.php?highlight_docid=aza://09-04-2024-2C_577-2023&lang=fr&zoom=&type=show_document