Les prévisions de développement de l’aéroport jusqu’en 2030 sont basées sur des chiffres non fiables
Interpellés par l’importante croissance du trafic aérien annoncée pour 2030, prévoyant 1 vol toutes les 90 secondes et 68’500 passagers par jour, soit deux fois la population de Vernier décollant ou atterrissant chaque jour à Cointrin, les Verts ont commandé une analyse scientifique relative à la fiabilité des prévisions de trafic aérien réalisées par le bureau allemand Intraplan.
Le résultat est éloquent : les nombreuses failles de cette étude – qui n’envisagent qu’un seul et unique scénario – remettent en cause les prévisions avancées (25 millions de passagers en 2030). Dans ces circonstances, les Verts demandent la réalisation d’une nouvelle étude multi-scénario. Celle-ci permettra aux autorités de prendre une décision politique sur le développement de l’aéroport, laquelle devra aussi tenir compte de son impact sur la santé publique, le climat, la mobilité, l’aménagement et les risques financiers des investissements prévus pour étendre l’infrastructure aéroportuaire.
La prévision de trafic aérien d’Intraplan pour 2030 n’est pas fiable.
La modélisation contient des erreurs méthodologiques : elle ne tient pas compte de l’effet de saturation du trafic avec l’augmentation du PIB et utilise des données qui ne sont statistiquement pas significatives pour dériver l’effet du prix sur la demande. La méthode utilisée surestime le rôle du PIB et sous-estime le rôle du prix : elle attribue ainsi la croissance exceptionnelle de la dernière décennie à l’aéroport de Genève uniquement à la croissance du PIB et néglige le rôle de stimulation de la demande jouée par l’offre à bas prix du low cost. La comparaison avec la littérature confirme les doutes sur la méthode utilisée. En particulier, les précédentes prévisions d’Intraplan ont a montré leur mauvaise capacité prédictive et une tendance à systématiquement surestimer le niveau du trafic.
Le rapport Intraplan n’est pas conforme aux standards scientifiques et induit le lecteur en erreur.
Le rapport n’est pas transparent ni quant aux données utilisées ni quant aux hypothèses effectuées. Les résultats sont présentés sans discussion, ni analyse de sensibilité ou calcul d’erreur. Il n’est pas possible de reproduire les résultats de manière indépendante. Le lecteur ne peut donc pas se forger une opinion éclairée de la confiance qu’il peut accorder aux résultats qui lui sont présentés. Il est même gravement induit en erreur, car il ne peut se douter du manque de fiabilité de la prévision. C’est grave, car, l’expertise sert ici de support à des décisions politiques lourdes de conséquences.
D’autres scénarios plausibles montrent que le trafic pourrait n’augmenter que modérément.
Intraplan ne présente qu’un seul scénario de projection, contrairement à ce qui est d’usage pour des prévisions à moyen ou long terme. Or, les projections de PIB d’Intraplan sont exagérément optimistes au vu des incertitudes économiques actuelles. De plus, aucune internalisation des coûts externes environnementaux n’est prévue ces 15 prochaines années, ni aucune occurrence d’événement défavorable au trafic aérien comme le grounding de Swissair ou les attentats du 11 septembre. Le scénario « croissance modérée » de Noé21, aussi plausible que le scénario « croissance soutenue » d’Intraplan (croissance annuelle du PIB moyenne de 1,5% contre 2,3% pour Intraplan). Or, il aboutit à 17,1 millions de passagers en 2030 au lieu de 25,0. Si ce scénario devait se confirmer, aucun nouveau développement important de l’aéroport ne serait nécessaire.
Développer les infrastructures sur le scénario de « croissance soutenue » d’Intraplan est risqué.
Les investissements engagés sur la base des prévisions d’Intraplan pourraient s’avérer un fiasco financier si, comme c’est tout à fait probable, les prévisions de trafic n’étaient pas réalisées. C’est aussi risquer de transformer ces prévisions en objectifs, dans le seul but de garantir la santé financière de l’aéroport, sans considération ni sur la pertinence du trafic, ni sur les impacts environnementaux engendrés.
Mettre enfin un pilote dans l’avion: la politique publique pour l’aéroport doit déterminer le trafic aérien futur et non l’inverse !
Chercher à prévoir les courbes de demande du trafic aérien est nécessaire. On sait toutefois que les prévisions de trafic aérien sont à la fois trop fragiles et trop orientées sur la satisfaction de besoins sectoriels pour fonder à elles seules une politique publique. Nous attendons des autorités qu’elles commencent par expliciter la mission de l’aéroport pour Genève et sa région, PUIS discutent du dimensionnent de ses infrastructures en fonction des besoins ainsi définis. La mission de service public de l’aéroport doit bien entendu s’articuler clairement avec les objectifs de la politique environnementale et climatique, et tenir compte des nuisances que l’aéroport impose à ses riverains. Il y a lieu de penser que, à moitié low cost, l’aéroport de Genève ne répond pas actuellement aux besoins prépondérants du canton et de la région. Une part non négligeable du trafic de loisirs relève du superflu, son apport socio-économique étant insuffisant au vu des dégâts environnementaux et des nuisances qu’il engendre. A nos yeux, un aéroport démesuré de 25 millions de passagers n’est pas souhaitable: un aéroport raisonnable et efficace de 10-15 millions de passagers peut mieux servir la prospérité et la qualité de vie du canton et de la région.
Contact :
Lisa Mazzone, présidente des Verts genevois, 077 404 16 08
Annexes :
L’étude de Noé 21
L’étude Intraplan est disponible sur le lien ici ainsi que son résumé en français