Céline Bartolomucci

Motion déposée par Céline Bartolomucci en novembre 2023

Texte complet: M 2975

Exposé des motifs:

Le 4 décembre 2019[1], le canton de Genève déclarait l’urgence climatique afin de limiter le réchauffement planétaire à 1,5°C et d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Depuis lors, plusieurs Plans climat se sont succédés, toujours plus ambitieux dans le but de répondre à la crise environnementale et climatique, ainsi qu’à l’éco-anxiété grandissante et bien compréhensible des citoyens quant à leur avenir et celles des générations futures. Dernièrement, c’est le Plan climat 2030 – 2e génération qui a vu le jour avec plusieurs axes de travail clairs, dont un portant sur l’aménagement du territoire et énonçant comme action : Agir au niveau des projets de quartiers en vue de la réduction des émissions de CO2, de l’adaptation au changement climatique et d’une habitabilité renouvelée (sociale, économique et environnementale). Le Plan Biodiversité 2030[2] énonce également dans sa vision consacrée aux arbres que « L’urbanisation prévoit suffisamment de place pour renouveler les grands arbres. Les propriétaires et gestionnaires des espaces arborés sont soutenus dans leurs efforts pour maintenir les arbres remarquables et les sujets âgés. » Le Canton de Genève parait donc au premier abord bien armé pour protéger son patrimoine arboré…

Et pourtant, cette fin de mois d’octobre 2023, de très nombreuses voix citoyennes, associatives et politiques de tout bord se sont élevées pour déplorer l’impuissance des autorités communales et cantonales face à l’abattage d’un cèdre centenaire, dans le quartier déjà très urbanisé de la Servette. Outre le mécontentement bien compréhensible des habitants, on ne peut qu’être interpellé face à l’ancienneté du PLQ dictant le projet de construction en question (PLQ n°28328), adopté en 1992, soit il y a plus de 30 ans ! Bien que d’aucun pourrait prétendre qu’il ne s’agit que « d’un arbre parmi d’autres », il n’est aujourd’hui plus acceptable, dans les conditions d’urgence climatique reconnus par toutes et tous, que les citoyens et les autorités subissent des planifications prévues plusieurs décennies auparavant.

Le monde et les conditions de vie changent, les préoccupations des citoyennes et citoyens également. La Loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT) elle-même, via ses articles 15 et 21, reconnaît la nécessité et donne la possibilité légale d’adapter les PLQ afin de suivre les besoins des citoyens et de l’évolution de la société.

Cependant, un PLQ établit la quantité et la répartition des droits à bâtir pour chaque propriétaire. Ainsi, si l’autorité venait à remettre en question la faculté d’un propriétaire à faire usage d’une partie significative de ses droits à bâtir, ce dernier est en droit de solliciter un dédommagement pour le fait qu’il ne pourra pas utiliser son bien selon les droits qui lui avaient été donnés. Ce fait est désigné comme une expropriation « matérielle » : à la différence de l’expropriation formelle (le bien change de propriétaire), l’expropriation matérielle est la suppression d’une partie ou de la totalité des droits liés au bien, même si le propriétaire reste le même. Celui-ci se trouve simplement privé d’un attribut essentiel de son droit de propriété. Dans ce cas, le propriétaire est fondé à demander que la collectivité publique l’indemnise. Ainsi, même si la LAT permet de pouvoir légalement remettre en question un PLQ obsolète du point de vue du contexte courant, elle ne règle pas les problèmes de rachats éventuels des droits à bâtir. Dans ce contexte, il apparaît donc nécessaire que le Canton se prémunisse d’un mécanisme financier permettant de le faire le cas échéant.

La législation actuelle ne peut plus continuer à contraindre le canton et ses habitants à subir des PLQ établis de nombreuses années, voire des décennies auparavant, à l’aune de préoccupations aujourd’hui dépassées. Cette motion invite donc le Conseil d’Etat à revoir et à améliorer ses outils légaux concernant l’aménagement du territoire afin de ne plus se retrouver bloqué dans une situation dommageable tant pour la qualité de vie de ses habitants que ses propres possibilités d’évolution dans l’aménagement de son territoire.

Pour toutes ces raisons et dans le but de répondre à l’inquiétude grandissante de la population pour leur qualité de vie et celles des générations futures, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les député-e-s, à réserver un bon accueil à cette proposition de motion.

[1] Communiqué de presse du Conseil d’Etat du 4 décembre 2019 : https://www.ge.ch/document/communique-presse-du-conseil-etat-du-4-decembre-2019

[2] Stratégie Biodiversité 2023 Genève : https://www.ge.ch/document/strategie-biodiversite-geneve-2030-plan-action