Par Isabelle Pasquier, conseillère nationale. Ce texte est paru dans la Tribune de Genève le 31 mars 2020. 

Le Secrétaire d’Etat aux migrations, Mario Gattiker, a expliqué récemment dans la presse que ses services prévoyaient la suspension des auditions, «le temps d’équiper les salles d’audience de vitres en plexiglas». Une semaine de suspension, alors que les organisations actives dans le domaine de l’asile appellent à un moratoire le temps de la pandémie. Mais quelle est l’urgence de la situation au juste?

Selon le Secrétaire d’Etat, la Suisse doit continuer à traiter les procédures d’asile pour ne pas se retrouver devant «une énorme montagne de demande d’asile inachevées». Pourtant, cet été, la Confédération annonçait qu’elle allait fermer des centres suite à la baisse constante des demandes d’asile enregistrées. Si 50 000 places étaient prévues, seules 14 269 demandes ont été déposées l’an passé.

Alors que la justice a annoncé le ralentissement de l’ensemble des procédures pour cause de pandémie, la position du secrétariat aux migrations est irresponsable. De tels entretiens mobilisent largement: la ou le requérant.e et l’auditeur, un.e juriste, un.e interprète, un.e secrétaire et souvent un.e bénévole accompagnant le requérant. Soit cinq personnes au minimum venant de régions différentes, impliquant des contacts et des trajets importants. A l’opposé du confinement préconisé par le Conseil fédéral.

Outre ces risques, il y a de quoi être inquiet sur le respect des droits des requérant.e.s. Avant la pandémie déjà, l’administration fédérale avait admis avoir de la difficulté à trouver des médecins pour effectuer les examens requis dans les délais impartis par la procédure. A tel point que de nombreux recours ont été accepté par le Tribunal administratif fédéral, considérant une prise en compte insuffisante de l’état de santé de la personne concernée. Alors que les médecins sont mobilisés par la crise et les permanences juridiques bouclées: comment assurer le respect des procédures?

Dernièrement, j’ai été pourtant alertée sur la situation d’un requérant handicapé que la Suisse veut renvoyer en Grèce. Compte tenu de sa vulnérabilité, de la situation de tension qui règne aux frontières orientales de l’Europe, des violences qui ont secoué les îles grecques et du péril qui guette les réfugiés concentrés dans des camps en cas de propagation du virus, je dois vous dire que j’ai eu honte que la Suisse puisse même envisager ce renvoi.

La présente situation est anxiogène pour nous toutes et tous. Nos autorités font appel à notre sens de la responsabilité et de la solidarité avec les plus faibles pour faire face à la crise actuelle. Il en va de même pour ces personnes. Se concentrer sur un confinement dans de bonnes conditions, voilà qui doit être notre priorité à tous. Et pour tous.