[Projet de loi] Soutenir les coopératives et leurs loyers abordables

David Martin
Projet de Loi déposé par David Martin en novembre 2022
Texte complet: PL 13203
Exposé des motifs:
Depuis une vingtaine d’années, le canton de Genève a fait des
coopératives d’habitation un des deux piliers de sa politique du logement
social ; l’autre pilier étant les fondations immobilières de droit public. Cette
volonté de développer les coopératives s’est concrétisée notamment par la
création du Groupement des coopératives d’habitation genevoises (GCHG),
qui est passé de 10 coopératives membres fondateurs en 1999 à 85 membres
en 2022. L’Etat dispose ainsi d’un partenaire organisé pour développer sa
politique du logement.
L’intérêt des Genevoises et des Genevois pour les coopératives
d’habitation est manifeste. On dénombre plus de 5000 ménages sur les listes
d’attente des coopératives. Le fait que la RTS ait consacré en avril 2018 un
Temps Présent à ce sujet confirme également le très fort intérêt de la
population pour ce type de logement.
Les coopératives d’habitation sont sans but lucratif. Elles proposent des
logements de qualité et à des conditions abordables. Elles peuvent proposer
une grande mixité de catégories de logements : HBM, HLM, HM ou en loyer
libre (ZDLoc). Les coopératives sont intéressantes pour l’Etat, car elles
financent elles-mêmes les constructions prévues, tout en réalisant les buts
sociaux souhaités. Les coopératives sont des sociétés de personnes et non de
capitaux.
La rareté foncière et la difficulté d’acquérir du foncier restent un frein au
développement de ce type d’habitat. Historiquement, les coopératives ont
beaucoup réalisé leurs projets sur des terrains publics, soit des communes,
soit du canton. Toutefois, les réserves foncières des communes et du canton
se sont considérablement réduites. Aujourd’hui, il convient donc
d’encourager l’acquisition de terrains directement par des coopératives sans
but lucratif.
Or, aujourd’hui, la LGL limite l’application du cautionnement de l’Etat
aux « logements » détenus par les coopératives. Le présent projet de loi
souhaite étendre l’outil du cautionnement à l’acquisition de terrains à bâtir.
Ces terrains ainsi acquis permettront la création de logements abordables,
coopératifs et sans but lucratif.
Les mécanismes existants aujourd’hui en faveur des coopératives – soit
en particulier le cautionnement de 95% prévu à l’art. 17, al. 3 let. a, mais
aussi le fonds LUP qui permet l’acquisition de terrains par la FPLC remis en
DDP aux coopératives avec la condition de construire des logements LUP –
ont permis aux coopératives de se développer principalement et de façon
significative dans le domaine du logement LGL et LUP.
L’extension du cautionnement à l’acquisition de terrains tel que proposé
par le présent projet de loi permettra notamment aux coopératives de
contribuer davantage à la production de logements à loyer libre ZDLoc,
particulièrement recherchés par la classe moyenne et qui sont le parent
pauvre, ces dernières années, de la production de logements en zone de
développement.
Les coopératives présentent la particularité d’être à la fois des acteurs
privés de l’immobilier, tout en étant par définition statutaire à but non lucratif
et non spéculatif. A ce titre, les coopératives sont qualifiées de maîtres
d’ouvrages d’utilité publique (MOUP) au sens de la législation fédérale (à ne
pas confondre avec le « logement d’utilité publique » au sens de la LUP
genevoise). La coopérative constitue un acteur intéressant et atypique du
marché du logement, car elle pratique le principe du « loyer couvrant les
coûts ». Ainsi, elle joue un rôle de stabilisateur du marché et propose des
loyers stables et raisonnables sur le long terme.
De nombreuses études l’ont montré, les coopératives offrent sur le long
terme les loyers les plus bas du marché. A Genève, cela a été mis en évidence
par l’étude de l’OCSTAT de novembre 2019 qui révélait que le loyer moyen
en coopérative y est entre 27% (pour les six-pièces) et 35% (pour les deux pièces) plus bas que dans les logements hors coopératives2. « Sur le marché
libre, le loyer moyen du cinq-pièces s’élève à 1842 francs, contre 1044 francs
pour les coopératives. Pour un quatre-pièces, c’est respectivement
1484 francs et 795 francs. »
Les coopératives sont aussi un moteur d’innovation sur d’autres plans :
construction écologique, participation des habitants, communautés de
consommation d’électricité solaire… autant de domaines où les coopératives
– mues par la recherche de l’intérêt collectif et du long terme – contribuent
activement à atténuer la crise du logement et l’émergence d’une nouvelle
économie de la construction plus humaine, plus économe et plus durable.
Grâce à ce projet de loi, les coopératives vont augmenter leurs capacités à
développer leurs propres projets, et diminuer leur « dépendance » envers les
terrains publics. Les terrains acquis directement par les coopératives leur
permettront également de jouer plus en amont dans les projets urbains.
Ce soutien, via un cautionnement, ne coûte pas à l’Etat et se justifie, car
les jeunes sociétés coopératives notamment ne possèdent que peu de moyens
pour lancer des projets immobiliers, alors que leur rôle stabilisateur dans le
marché immobilier est reconnu et encouragé par la Confédération suisse et
les cantons.
Il convient de permettre aux coopératives de jouer aujourd’hui pleinement
ce rôle et de combler la lacune existante.