Sophie Desbiolles

Question urgente écrite déposée par Sophie Desbiolles en août 2022

Texte complet et réponse du Conseil d’Etat: QUE 1782 A

Exposé de la question:

Entre deux vagues de chaleur et une sécheresse dantesque, l’été 2022 aura
aussi connu une polémique sur l’utilisation des jets privés. Pendant que le
monde brûle, quelques nantis ultrariches regardent depuis le hublot de leur
avion les fumées du monde d’en bas. Et ce pour ne faire parfois que des vols
de quelques dizaines de minutes.

Un rapport de 2021, publié par Transport & Environment1 indique que les
vols en jets privés sont 5 à 14 fois plus polluants que les vols commerciaux
(par passager). Ces vols ne concernent que les personnes disposant de
grandes fortunes (le propriétaire moyen d’un jet privé dispose d’une fortune
de 1,3 milliard).

Il n’y a aucune justification rationnelle à l’utilisation des jets privés, ni du
point de vue environnemental ni du point de vue de la justice sociale. Le
GIEC a rappelé que la transition écologique ne pourrait se faire sans justice
sociale. Et le thème des jets privés ne fait que s’ajouter à la thématique plus
large : comment demander aux particuliers de faire des changements dans
leur mode de vie si quelques nantis décident de s’exclure des règles ?

A ce titre, je désirerais poser les questions suivantes :

  • Qu’est-ce que le Conseil d’Etat entend mettre en oeuvre pour interdire
    les jets privés sur l’aéroport de Genève ou tout au moins imposer des
    normes suffisamment dissuasives ?
  • Qu’est-ce que le Conseil d’Etat entreprend au niveau fédéral pour la
    création de lois nationales ?

Réponse du Conseil d’Etat

En préambule, il convient de préciser que l’aviation d’affaires, comme l’aviation commerciale, est régie par le droit fédéral et contrôlée par l’Office fédéral de l’aviation civile (OFAC), sous l’égide du Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC). Ainsi, il n’appartient pas au Conseil d’Etat d’interdire l’aviation d’affaires à Genève ou de la réguler.

Hormis cette absence de compétence cantonale, il apparaît important de rappeler que l’aviation d’affaires joue un rôle très important dans la connexion de Genève au reste du monde, étant entendu que 90% des routes aériennes sont impossibles à atteindre directement par des vols commerciaux. Elle permet ainsi de rendre Genève et sa région attractives pour les entreprises et les organisations internationales, mais également de permettre aux entreprises suisses de grandir vers l’extérieur. A Genève, l’aviation diplomatique et d’affaires représente 20% des mouvements. L’aviation d’affaires génère en outre plus de 34 000 emplois directs et indirects en Suisse et 15 milliards de francs de flux économique annuel, dont 25% pour Genève, grâce aux nombreux services qui lui sont associés, tels que les services de transfert vers et depuis l’aéroport, les arrangements hôteliers, la restauration, etc.

Au-delà des fins commerciales, l’aviation d’affaires permet de traiter régulièrement certaines urgences médicales et de fournir rapidement un transport sécuritaire aux patients de régions éloignées vers des installations médicales spécifiques, ce qui a permis par exemple de sauver des vies durant la crise du Covid-19. Environ 2% des vols d’aviation d’affaires européens servent aux évacuations médicales.

Sur la base de ces considérations, il ressort qu’une interdiction de l’aviation d’affaires serait inopportune.

A noter finalement que, tout comme l’aviation de ligne, le secteur s’est engagé à réduire ses émissions de CO2. Ainsi, l’Association suisse de l’aviation d’affaires (SBAA), en collaboration avec les acteurs de l’aviation suisse, s’est engagée à atteindre zéro émission nette en 2050 (déclaration d’intention « Road Map Sustainable Aviation »). Il convient dès lors de soutenir les efforts de cette industrie dans la décarbonatation de ses activités.