Pierre Eckert

Question urgente écrite déposée par Pierre Eckert en janvier 2024

Texte complet et réponse du Conseil d’Etat: QUE 1999 A

Exposé de la question:

Suite aux divers épisodes de covid, l’aéroport de Genève (GA) a ajouté plusieurs centaines de millions de francs à sa dette qui était déjà élevée avant. Cette dette s’élevait à 325 millions de francs en 2019, à fin 2020, elle se montait à environ 620 millions, à fin 2021 à 770 millions et à fin 2022 à 685 millions. L’année 2023 a été très faste, si bien que la dette a certainement quelque peu fondu, mais elle reste très élevée.

Or l’aéroport continue à s’engager dans d’importants projets d’investissement. Outre la mise à niveau du tri-bagages qui est rendue obligatoire par les régulations internationales, le projet CAP 2030 devisé à 571 millions a été récemment présenté. On peut déjà estimer que les coûts de ce projet seront bien plus élevés que prévu en rappelant que le coût de l’aile Est qui vient d’entrer en fonction était estimé à 300 millions au départ et s’est finalement monté à 610 millions de francs.

On peut donc à juste titre se poser la question de savoir si ces investissements massifs sont bien raisonnables.

D’autre part, en ce qui concerne les redevances, on doit rappeler quelques contraintes légales. L’article 39 de la loi sur l’aviation spécifie la manière dont sont fixées les redevances aéroportuaires (taxes), en particulier :

5 Le produit des redevances ne doit pas excéder les frais attestés et une rémunération raisonnable du capital investi.
6 Le Conseil fédéral détermine les frais et les revenus qui doivent entrer dans le calcul des redevances. Si un aéroport réalise des revenus provenant de secteurs d’activités autres que ceux liés directement à l’exploitation du trafic aérien, le Conseil fédéral peut obliger l’exploitant de l’aéroport à intégrer une partie des gains dans le calcul des redevances. Le Conseil fédéral fixe les modalités en tenant compte des intérêts de l’exploitant et des usagers de l’aéroport, de la situation du marché et des spécificités de l’aéroport concerné.

On voit donc que GA serait tout à fait en droit d’accroître ses redevances pour couvrir, du moins partiellement, ses investissements.

En outre, GA connaît des taxes aéroportuaires sensiblement plus basses que Zurich, en raison de son modèle d’affaire dépendant du low cost. Il est donc clair que les nouveaux investissements devraient conduire à une augmentation des redevances aéroportuaires afin que l’amortissement des frais d’infrastructure ne soit pas directement tributaire de l’augmentation du nombre de passagères et de passagers. Sans augmentation des taxes, les investissements doivent nécessairement être amortis par un effet dynamique d’augmentation du trafic.

De plus, en 2022, le Conseil d’Etat a par arrêté divisé par deux la rétrocession du bénéfice de l’aéroport à son propriétaire, le canton. Extrait du rapport annuel : «Considérant le caractère obligatoire de la rétrocession sur le bénéfice 2022, cette charge est provisionnée pour un montant de 15,4 millions de francs dans les comptes 2022, alors qu’elle était portée en réduction des fonds propres avant la crise sanitaire. Le Conseil d’Etat a décidé, par arrêté du 14 septembre 2022, de porter la rétrocession sur le bénéfice 2022 de Genève Aéroport à 25% du bénéfice avant rétrocession, quand la Convention d’objectifs prévoit un taux de rétrocession de 50%.»

Enfin, les projections Intraplan réalisées en 2015 et utilisées pour le PSIA tablaient sur un nombre de passagers de 25 millions par année. Cette étude présente de nombreuses failles méthodologiques mises en évidence dans une étude réalisée par Noé 21. On trouvera ce rapport en annexe de la résolution 787 (R 787). Les chiffres de croissance ne tenaient pas compte d’un certain nombre de risques comme la hausse du prix du carburant, une crise majeure du genre 11 septembre 2001 ou une pandémie. Ces phénomènes n’ont pas manqué de se réaliser comme on l’a vu récemment, mais nous serions bien curieux de savoir sur quelle base les nouvelles projections reposent.

Dans ce contexte, je remercie d’avance le Conseil d’Etat de bien vouloir répondre aux questions suivantes :

  • Le Conseil d’Etat envisage-t-il de maintenir à 25% la rétrocession due par GA à son propriétaire, l’Etat de Genève ?
  • Sur quelle augmentation de passagers table l’aéroport dans ses plans financiers pour rentabiliser le projet CAP 2030 ?
  • Les projections de trafic et de nombre de passagers semblent être revues à la baisse par rapport à l’étude Intraplan. Quelles sont les projections actuelles du nombre de passagers en 2030 et sur quelle étude se basent-elles ?
  • La politique de rémunération à la baisse du personnel de l’aéroport (et qui a conduit à une brève grève en été 2023) a été justifiée par le besoin de dégager de la marge pour payer les investissements de GA. Le Conseil d’Etat soutient-il cette politique qui consiste à faire payer les investissements par le personnel plutôt que par les compagnies aériennes ?
  • La surtaxe bruit a été suspendue entre 2020 et 2023, ce qui a contribué à un important manque à gagner. Sera-t-elle reprise à partir de l’année 2024 ?
  • Le fonds alimenté par cette surtaxe sert à protéger du bruit les habitations situées à proximité de l’aéroport et est exclusivement géré par GA avec des ressources humaines, semble-t-il, limitées. Comment GA gère-t-il ce fonds pour fixer les périmètres d’assainissement et encourager son usage ?