Par Sarah Klopmann, Députée, cheffe de groupe

Tout a commencé il y a quelques années, quand certains politiques adeptes du « propre en ordre » ont décidé de systématiquement stigmatiser les cyclistes, au lieu de penser une mobilité permettant à chacun-e de se déplacer sans trop de risques. La première conséquence de cet acharnement est un climat devenu hostile aux cyclistes, une animosité et une haine à l’encontre des vélos. Cela nous menace, alors que nous sommes déjà les plus fragiles utilisateurs de la chaussée. La deuxième conséquence c’est qu’après cela, facile d’instaurer, institutionnellement, des semaines d’action anti-cyclistes. Ils veulent mettre les « sauvages » au pas. Sauf qu’on roule, nous.

Ah, si seulement les heures passées à taper sur les cyclistes étaient consacrées à la mise en place de projets pour la mobilité douce ! Si seulement elles étaient dédiées à l’amélioration du réseau cyclable ! Mais non…

Pourtant, l’initiative 144 « Pour la mobilité douce » demandait d’équiper toutes les routes principales de pistes cyclables en 8 ans. Car oui, partout où les voitures passent, les vélos devraient également pouvoir circuler sur des voies sécurisées. Mais les aménagements cyclables sont trop souvent inexistants ou lacunaires. Les pistes ou bandes, quand elles existent, servent de rigoles à déchets lorsqu’on déblaie la chaussée de la neige ou des feuilles mortes. Un-e cycliste n’est pas forcément un promeneur ou promeneuse du dimanche. C’est aussi un-e usager-e de la route qui, comme les autres, doit se rendre d’un lieu à un autre par le chemin le plus rapide. Cette initiative acceptée en votation populaire il y a 5 ans n’est toujours pas appliquée. Incapable d’avancer assez vite sur ce dossier, une partie du Conseil d’Etat regarde ailleurs et remplit les caisses au passage.

On fait du vélo pour plusieurs bonnes raisons : pour l’environnement et la qualité de notre air, pour l’activité physique, pour la rapidité ou même des fois pour ses finances. Mais quand on est sur son vélo à Genève, un seul but nous anime : rester en vie. Et si pour atteindre cet objectif il faut adapter quelques règles, le jeu en vaut la chandelle. Ces règlementations sont conçues pour un monde automobile. Comment se sentir concerné.e lorsqu’elles sont inadaptées et incohérentes, niant l’existence même des personnes  se déplaçant à vélo ? Je suis fâchée de ces autorités et aménagistes qui me mettent en danger.

La semaine d’action répressive que les cyclistes viennent de subir est justifiée en montrant les chiffres d’accidents impliquant des vélos. Ils/elles en sont pourtant les principales victimes et c’est sur l’absence ou la nullité de beaucoup d’aménagements cyclables qu’il faut agir. Pas avec une répression exagérée, sans subtilité. Nous sommes en droit d’attendre du magistrat en charge de la mobilité qu’il empoigne le problème à sa cause, mais les priorités sont mal placées et le Conseiller d’Etat semble n’avoir aucune volonté d’améliorer le réseau, ni d’encourager la population à faire du vélo. Dommage, car cela permettrait en plus au Canton de mettre en œuvre le premier axe de son plan cantonal de promotion de la santé et de prévention 2011-2016 « promouvoir une alimentation saine et une activité physique régulière ». Mais c’est probablement trop demander. Amender à tour de bras, c’est facile, visible. A-t-il été décidé que pour protéger les cyclistes, il convenait de les empêcher de sauver leur peau ? Si oui, c’est incroyablement contre-productif.

Deux lueurs d’espoir toutefois : Le Grand Conseil a voté plusieurs aménagements pour la mobilité douce dans le cadre du projet d’agglomération de 2e génération en octobre, et huit millions pour des aménagements en lien avec le plan d’action de la mobilité douce en novembre. Finalement, le travail des Verts paie ! Mais nous ne sommes pas dupes, nous voyons bien que ces semaines d’action anti-cyclistes ne sont rien d’autre que l’aveu de l’extraordinaire incapacité du magistrat en charge du Département de l’environnement, des transports et de l’agriculture de proposer suffisamment de bons projets pour la mobilité douce à Genève. Et oui, il n’y a pas que la moto, Facebook ou frimer sans ceinture au volant, dans la vie.

Je rêve du jour où nous aurons à Genève une majorité qui comprend que l’avenir du canton et de l’agglo, c’est favoriser le vélo.  Oui, celui qui n’émet aucun gaz à effet de serre, ne provoque pas de nuisance sonore, fluidifie le trafic et n’empiète que très peu sur le domaine public. J’attends avec impatience le jour où les cyclistes, qui pour le bien commun subissent les intempéries et la pollution des autres, seront remercié.e.s !