Echos du Grand Conseil des 22 et 23 mai 2025: élections, départs, arrivées et micro-psychodrame ultraconservateur…
En plus des objets usuels, cette session du Grand Conseil s’est illustrée par des élections, des départs (dont celui de Marjorie de Chastonay) et des arrivées (dont celle de Clarisse Di Rosa) et… un psychodrame bis (cf. les échos des 10 et 11 avril passés).

En plus des objets usuels, cette session du Grand Conseil s’est illustrée par des élections, des départs (dont celui de Marjorie de Chastonay) et des arrivées (dont celle de Clarisse di Rosa) et… un psychodrame bis (cf. les échos des 10 et 11 avril passés).
Une fois par année, le Grand Conseil élit son bureau, c’est-à-dire l’organe directeur du parlement, censé assurer son bon fonctionnement. Cette année, la présidence est revenue à Ana Roch (MCG), élue à 88 voix ; la première vice-présidence à Dilara Bayrak (Les Vert-e-s), par 75 voix, la deuxième vice-présidence à Guy Mettan (UDC), par 63 voix, et les autres places du Bureau ont également été attribuées : Francine de Planta (PLR), 69 voix, Patricia Bidaux (Le Centre), 68 voix, Jean-Pierre Tombola (PS) 62 voix et Masha Alimi (LJS) 55 voix.
Le président sortant, Alberto Velasco, a prononcé un discours faisant référence notamment au social, à l’I.A., aux jeunes, à ses préoccupations face à la situation à Gaza et au changement climatique, discours salué par une “standing ovation”. Il a également prononcé un hommage à Christianne Brunner, ancienne députée socialiste, conseillère nationale et conseillère aux Etats, décédée le 18 avril de cette année, à l’âge de 78 ans.
La nouvelle présidente, Ana Roch, a également fait un discours reprenant, entre autres, le thème du climat, discours également “standing-ovationné”.
Autres changements, cette session ayant été, suite aux élections municipales d’avril passé, l’occasion de plusieurs départs. Notre députée Marjorie de Chastonay a officiellement quitté le Grand Conseil après y avoir siégé sept ans, pour assumer son nouveau mandat de conseillère administrative de la Ville de Genève, chargée du département de l’aménagement. Son départ a permis l’arrivée de Clarisse Di Rosa, conseillère municipale à Vernier, qui devient députée suppléante, et la titularisation d’Uzma Khamis-Vannini, jusqu’alors députée suppléante.
Le Grand Conseil a traité les objets suivants:
- Le PL 13158-A modifiant la loi sur l’organisation judiciaire. Le but de ce texte était de faire en sorte que les juges du tribunal des baux et loyers et à la commission de conciliation en matière de baux et loyers se consacrent à cette tâche au moins à hauteur d’une demi-charge, pour plus de spécialisation et de compétence. Certains auraient préféré une spécialisation totale, d’autres, au contraire, une formule plus souple. C’est la formulation de compromis de la majorité de la commission qui a été adoptée, par tous les partis, sauf l’UDC.
- Le PL 11715-A modifiant la loi sur les heures d’ouverture des magasins. Il s’agit d’un projet visant à permettre l’ouverture des magasins deux dimanches supplémentaires par an. La droite était en faveur, arguant du fait que le commerce local est aux abois face à la concurrence frontalière et à l’e-commerce. La minorité de gauche a argué que la droite ne faisait que réitérer cette demande périodiquement, tout en refusant la solution de compromis qui aurait couplé ces ouvertures avec des conventions collectives de travail adéquates, et, partant, de meilleures conditions de travail… L’ouverture de deux dimanches supplémentaires est acceptée par la nouvelle droite : UDC, PLR, Centre, MCG et LJS. Refusé par le PS et les Vert-e-s. Pierre Eckert a dénoncé un recul social pour le personnel de vente, majoritairement féminin, qui reste en grande partie sans convention collective de travail (CCT) : « Sans CCT, le personnel se retrouve quasiment à poil, protégé seulement par le strict minimum, couvert seulement par le mince filet de la loi fédérale sur le travail et par les usages genevois.» Julien Nicolet-dit-Félix a pour sa part remis en question la logique de surconsommation imposée : « Le monde étouffe sous les excès de la consommation et Noël est une image hypertrophiée de ce consumérisme contraint qui nous impose des achats inutiles et nuisibles pour l’environnement. Il ne faut pas ouvrir ni douze, ni quatre, ni deux, ni un dimanche, c’est pour cela qu’il faut refuser le texte et que nous nous associerons au référendum qui sera lancé par les syndicats. »
- M 3127 « pour un plan d’action dans le domaine de l’accueil et du placement d’enfants hors du milieu familial ». “Durant le mois de mai 2025, 17 enfants occupent des lits hospitaliers genevois faute de solution d’accueil adéquate”. Cette motion Verte, rédigée par le député Léo Peterschmitt, vise à donner les moyens à l’Etat pour cesser les hospitalisations dites “sociales”, à savoir lorsqu’un enfant est placé à l’hôpital sans raison médicale, faute de places dans les foyers ou dans des familles d’accueil. Un amendement du Centre permettant d’inclure les communes dans la mise en place d’un programme ambitieux d’actions préventives en milieu familial (APFM) a été accepté et le texte a été renvoyé sur le siège (à savoir directement, sans passer par une commission) au Conseil d’Etat par une quasi-unanimité du parlement (moins une abstention).
- M 3126 « Paralysie du trafic : conséquence des travaux en lien avec les réseaux thermiques structurants ». Le Grand Conseil, hormis notre groupe et le PS, a accepté cette motion du PLR demandant au Conseil d’Etat de tout faire pour réduire la durée des travaux en cours et de ne plus délivrer d’autorisation de travaux tant qu’il n’aura pas organisé un séquençage de ceux-ci, créé des itinéraires alternatifs pour la circulation et réduit au maximum l’emprise des chantiers sur la circulation. En somme, un texte qui ne sert pas à grand-chose si ce n’est à signifier un mécontentement contre les bouchons et plus indirectement à envoyer une petite pique aux SIG, responsable de la mise en place du réseau de chaleur à distance. Si les Vert-e-s reconnaissent les désagréments liés aux chantiers, nous refusons d’en faire les boucs émissaires de bouchons qui relèvent aussi d’un problème plus large : la dépendance de Genève à la voiture. Louise Trottet a rappelé la pertinence des réseaux thermiques structurants pour notre souveraineté énergétique, tout en appelant à des solutions concrètes pour garantir les circulations d’urgence et limiter les nuisances. « Il s’agit de favoriser les transports d’urgence bien sûr, mais aussi les mobilités actives, les transports publics, le covoiturage […] et sans se concentrer uniquement sur le ralentissement des chantiers. » Elle a souligné la nécessité de prioriser les transports d’urgence, les mobilités actives, les transports publics et le covoiturage, et a rappelé que les Vert-e-s ont déposé leur propre motion, plus ambitieuse et mieux ciblée.
- En lien avec l’éducation sexuelle, notre Conseil a traité deux textes de la droite ultraconservatrice, qui tente d’importer dans notre parlement des discours réactionnaires venus d’ailleurs, fondés sur des peurs irrationnelles et des accusations sans fondement. Les Vert-e-s saluent la fermeté du Conseil d’Etat et la réponse de la majorité du parlement, qui ont permis de rejeter sans ambiguïté l’idéologie nauséabonde transparaissant de ces objets et des prises de position de leurs auteurs. Ainsi, la majorité du parlement a refusé le PL 13447-A « La prévention des abus et des discriminations ne doit pas être elle-même abusive ou discriminante » et la motion 2966-A « Préservons nos enfants de toute perversion ! »Ces textes, qui visaient à rendre facultatifs les cours d’éducation sexuelle et à revoir leur contenu, ont été rejetés par une très large majorité du Grand Conseil. Les auteurs dénonçaient un prétendu endoctrinement et une « sexualisation » des enfants, allant jusqu’à évoquer la « légitimation de la pédophilie » (Marc Falquet) ou la « décadence romaine » (Yves Nidegger). Anne Hiltpold, chargée du DIP (département de l’instruction publique), a exprimé son indignation face aux accusations portées contre son département, rejetant fermement toute idée d’endoctrinement ou de sexualisation des enfants et a appelé à refuser tant le projet de loi que la motion. Représentant la majorité de la commission, notre députée Laura Mach a rappelé que « plus des deux tiers des abus sexuels sur mineurs ont lieu dans le cadre familial », soulignant l’importance de maintenir ces cours obligatoires dès l’école primaire.
- Céline Bartolomucci, députée verte, a ajouté : « Confondre éducation sexuelle et pornographie est une manipulation inacceptable. Le vrai danger pour les enfants, ce sont les abus, pas l’enseignement. »Toujours dans la même veine, le Grand Conseil a traité la réponse du Conseil d’Etat à la pétition 2210, intitulée « Inciter nos enfants à douter de leur identité sexuelle n’est pas le rôle de l’école ». Celle-ci accusait l’école genevoise de propager une idéologie « militante » sur la question du genre et de nuire au développement des enfants en suscitant des « questionnements identitaires malsains ».Dans son rapport, le Conseil d’Etat a rejeté ces accusations, rappelant que l’éducation sexuelle est encadrée, adaptée à l’âge des élèves, fondée sur la prévention et des bases scientifiques reconnues et que l’identité de genre n’est abordée que si les élèves posent eux-mêmes des questions. Alors que le député Yves Nidegger (UDC) s’est livré à une charge virulente en évoquant la Pravda et l’Union soviétique pour qualifier le Conseil d’Etat et sa réponse, la grande majorité du parlement a refusé de s’associer à ce discours outrancier et pris acte du rapport du Conseil d’Etat. Seuls l’UDC et trois autres députés s’y sont opposés.
- Le PL 13578-A « permettre une information équilibrée en cas de référendum sans collecte de signatures ». Ce texte vise à garantir une information équilibrée lors des référendums sans collecte de signatures (en cas de référendum obligatoire, lorsque le Grand Conseil adopte une modification de la constitution, ou en cas de référendum facultatif demandé par une majorité qualifiée du Grand Conseil), en permettant à des député-e-s opposé-e-s au projet soumis au vote d’être officiellement désigné-e-s pour rédiger un argumentaire et accéder aux outils de campagne prévus par la loi. Actuellement, comme l’a très bien explicité notre député Julien Nicolet-dit-Félix, auteur du projet de loi, le point de vue de la minorité dans la brochure officielle n’est pas rédigé par la minorité, mais par le Conseil d’Etat, dont l’avis est généralement inverse. Une faille dans le respect des minorités et des droits qui leur sont accordés, que le texte entend corriger. Vu le traitement très sommaire, voire bâclé, en commission, le renvoi en commission demandé a été accepté de justesse par 41 oui (dont des UDC, malgré le fait que ce traitement expéditif ait été décidé sous la présidence de Yves Nidegger, président de la commission) et 39 non.
- Le PL 13245-B « Pour une véritable inclusion, cessons de séparer les enfants différents ! » Il s’agit avec ce projet de loi d’amorcer une transition vers une école inclusive, en réaffectant progressivement les ressources du système spécialisé vers l’école ordinaire. Inspiré du modèle tessinois, il ne proposait pas la suppression de l’enseignement spécialisé, mais son intégration dans l’école de quartier, avec un encadrement renforcé. L’entrée en matière ayant été refusée en commission, le dépôt d’amendements par le PS a permis un renvoi en commission, soutenu par tous les groupes sauf l’UDC et le PLR. Céline Bartolomucci (Vert-e-s) a rappelé le cadre légal entourant l’école inclusive et rappelé pourquoi une évolution vers ce modèle d’écoles est cruciale : « La Suisse a ratifié la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées. Cette convention ne nous laisse pas le choix : elle consacre le droit de chaque enfant à une éducation inclusive, au sein de l’école ordinaire, et ce sans discrimination. L’article 24 de la Convention est d’ailleurs clair : l’éducation inclusive est un droit. Pas une option, pas un objectif vague, un droit. […] Ce n’est pas une révolution brutale. C’est une évolution planifiée, pragmatique, humaine. […] Le projet ne supprime pas l’enseignement spécialisé, il l’intègre là où il a toute sa place : dans l’école du quartier. […] Les associations de parents, comme Autisme Genève, l’ont dit avec émotion et conviction : leurs enfants ne veulent pas être mis à l’écart. Ils veulent vivre, apprendre, et grandir avec les autres. Et nous avons aujourd’hui les moyens – humains, pédagogiques, légaux et financiers – de répondre à cette demande. »
- Le PL 13372-A « 500 millions pour augmenter les structures de formation ». Le Grand Conseil a rejeté un projet de loi du MCG visant à investir 500 millions de francs sur cinq ans dans la formation professionnelle. Tous les groupes s’y sont opposés, sauf le MCG et un député UDC. Pour les Vert-e-s, si le besoin de renforcer la formation professionnelle est largement partagé, la réponse proposée est inaboutie et inefficace. Céline Bartolomucci a souligné le flou du texte : aucune priorité définie, aucun secteur ciblé, aucun objectif clair. « 500 millions sur cinq ans, mais pour quelles priorités ? Pour faire quoi ? Quels secteurs en bénéficieraient et comment ? Absolument rien n’y est précisé. Bien que partant d’un bon sentiment, ce texte n’est donc malheureusement ni réfléchi ni abouti. » Elle a également rappelé qu’un fonds pour la formation professionnelle existe déjà (la FFPC), piloté conjointement par l’Etat, les entreprises et les syndicats. Créer un fonds parallèle, sans coordination, reviendrait à ajouter de la confusion plutôt que des solutions.
- Le PL 13411-A. Ce projet de loi proposait d’augmenter les taxes universitaires pour les étudiant-e-s de nationalité étrangère. Cette mesure discriminatoire, dénoncée en commission comme en plénière, a été majoritairement refusée. Seuls l’UDC, ainsi que deux députés du Centre, l’ont soutenue.
- La motion M 2753-B, déposée en 2020 dans le contexte post-covid, qui demandait une rémunération équitable pour les stages en accompagnement suivis par les étudiant-e-s en enseignement secondaire de l’IUFE. Malgré une réalité toujours problématique pour les stagiaires précaires, la majorité a estimé que le texte n’était plus d’actualité et l’a refusé en plénière, après un traitement superficiel en commission. Les Vert-e-s et le PS ont demandé un renvoi en commission pour actualiser les invites, mais cette demande a également été refusée.
- Une motion du PLR demandait au Conseil d’Etat de soutenir le projet de nouvel accélérateur du CERN. Le Conseil d’Etat y a répondu favorablement dans son rapport M 3007-B. Cette réponse n’a pas plu aux Vert-e-s qui se sont expliquée par la voix de Philippe de Rougemont. Les objectifs de législature en termes de transition énergétique, stockage des déblais de chantiers le plus possible dans le canton et protection de la zone agricole sont tous impactés négativement par ce projet du CERN. De nombreuses voix d’autres partis ont suivi, dans le même sens. Par 43 oui, contre 24 non et 11 abstentions, le Grand conseil a renvoyé au Conseil d’Etat sa réponse (ce qui signifie qu’il a refusé son rapport), pour la deuxième fois.
- La M 3045-A, un texte de notre députée Louise Trottet, accepté à l’unanimité et donc renvoyé au Conseil d’Etat avec pour mission à ce dernier d’investiguer, de concert avec les entités compétentes, les raisons de la chute du taux d’allaitement maternel lors du retour au travail. La motion appelle également à améliorer, le cas échéant, la visibilité des droits des femmes en matière de maternité sur le lieu de travail. Cette démarche vise à renforcer l’accompagnement des femmes après le congé maternité pour soutenir l’allaitement dans un contexte professionnel.
Yves de Matteis
Président de la commission des droits de la personne
Membre de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil