Echos du Grand Conseil par Pierre Eckert

Départ de David Martin

Comme cela a été annoncé il y a un mois, David Martin quitte la députation verte au sein de laquelle il siégeait depuis 2018. Homme de compromis, il a siégé essentiellement dans les commissions du logement et de l’aménagement. Il a obtenu des succès pour soutenir les coopératives, pour la construction en matériaux bas carbone, pour l’habitat sans voitures (entre autres). Il a également occupé la position de chef de groupe de l’automne 2023 à l’été 2025.

« Cher David, tu laisses un groupe soudé, qui a gagné un peu de bouteille (dans tous les sens du terme), mais à qui tu vas énormément manquer. Notre consolation est cependant de savoir que tu pars pour œuvrer différemment pour l’environnement, dans ton entreprise d’ingénierie en plein essor. Nous te souhaitons, cher David, une suite à la hauteur de ton talent, mais si tu penses être débarrassé de nous, tu te trompes lourdement ». Louise Trottet, cheffe de groupe

Comme à chaque fois, la tristesse de voir un-e collègue partir s’accompagne de la joie d’en accueillir un nouveau ou une nouvelle – en l’occurrence, une nouvelle, car nous avons le plaisir d’accueillir Esther Um en tant que députée suppléante et de voir Clarisse Di Rosa devenir députée titulaire !

Budget 2026 à la trappe

« Pas de pierres…pas de subventions ; pas de subventions… pas de budget ;  pas de budget… pas de budget » (La droite parlementaire chez Cléopâtre) 

 

Le vote du budget prend habituellement une bonne dizaine d’heures, chaque politique publique étant commentée et amendée. Ici, l’affaire a été poutzée en moins de deux heures, puisque la droite a décidé de ne pas entrer en matière. Les opposants estiment que le déficit qu’ils ont eux-mêmes créé par des baisses d’impôt sur les personnes physiques et les personnes morales était excessif. Pour notre part, nous pensions que le budget proposé par le Conseil d’Etat constituait une base de travail utilisable, même si des améliorations notoires étaient possibles. La majorité de droite a refusé l’entrée en matière, conduisant à débuter 2026 en douzièmes provisoires et donc à bloquer toute nouvelle charge.

 « Le plan de la droite est cousu de fil blanc ; d’abord, on abaisse les taux d’imposition, puis on fait pression sur les charges pour diminuer les prestations à la population. » Pierre Eckert, membre de la commission des finances

« Nous sommes élus dans l’espoir d’orienter les politiques publiques. Ce courage a manqué à la majorité de droite. Pour notre part, nous souhaitons défendre dans un débat nos priorités vertes : les mesures d’adaptation au changement climatique et avec elles les mesures de prévention de la santé, maintenir les prestations sociales pour contrer la précarité croissante. » Emilie Fernandez, membre de la commission des finances

Nous avons dans la foulée de ce refus émis un communiqué de presse : Budget 2026 : en renonçant au débat, la droite adopte une position irresponsable et choisit une gestion préjudiciable à la population

Tuer le BHNS-GVZ (M 3134-A) 

On trouve derrière cette abréviation cryptique le bus à haut niveau de service gare Cornavin, Meyrin, Vernier, Zimeysa. Une motion de l’UDC veut empêcher la mise en place de cette ligne ou du moins de le subordonner à des infrastructures routières qui seront (peut-être) réalisées à des horizons lointains.

 « Cette proposition de motion décrédibilise notre Grand Conseil pour trois raisons ; elle nie la nécessité pour Vernier, 2e ville du canton, d’être connecté de façon satisfaisante à notre réseau de transports publics ; elle intervient au moment où le chantier est déjà en cours et où les véhicules sont déjà arrivés dans les dépôts des TPG ; et, ce qui est particulièrement problématique, elle nous décrédibilise face à la Berne fédérale, qui octroie 23 millions pour ce projet et auprès de qui il est nécessaire de nous montrer unis pour défendre nos transports publics. » Julien Nicolet-dit-Félix, membre de la commission des transports

La motion a malheureusement été approuvée par une majorité (toujours les mêmes)

Les élèves ne sont pas des variables d’ajustement comptable (M 3140-A)   

Les élèves habitant en France ne peuvent plus commencer leur scolarité à Genève depuis 2019. Il y a toutefois encore 2500 élèves qui sont encore scolarisés dans le canton. Le DIP a décidé unilatéralement de ne plus les accepter. Une motion PS a demandé que les élèves puissent au moins terminer une scolarité entamée. Le parlement a toutefois accepté un amendement de compromis du Centre leur permettant au moins de terminer un cycle (primaire ou secondaire).

 « La décision du Conseil d’État en rapport avec l’exclusion des élèves frontaliers constitue une rupture profonde à plusieurs niveaux.

  • Rupture institutionnelle, car adoptée par voie réglementaire, cette décision a été prise sans débat préalable avec les autorités françaises.
  • Rupture diplomatique et économique, car cette décision s’inscrit en opposition totale avec la coopération historique que nous connaissons avec nos voisins français.
  • Et rupture de confiance pour les familles, car en 2018, le Conseil d’État avait expressément garanti que tous les enfants déjà scolarisés à Genève pourraient y terminer leur parcours, y compris en cas de déménagement.

Cet engagement clair a été renié, provoquant incompréhension et inquiétude chez les familles, dont un nombre important s’est mobilisé ou a saisi la Cour constitutionnelle. La pétition P 2264 annoncée au début de cette session et renvoyée en commission, a notamment recueilli plus de 4000 signatures. Ce chiffre élevé, arrivé en quelques jours, montre à quel point la population suit ce dossier avec attention et s’inquiète des conséquences humaines de la décision du Conseil d’État. » Céline Bartolomucci, membre de la commission de l’enseignement

Réseaux thermiques structurants (M 3180)

Les réseaux de chaud et de froid pilotés par SIG ont créé un certain émoi dans la République, non seulement à cause des travaux pharaoniques occasionnés dans nos rues, mais aussi à cause de la crainte que les tarifs se révèlent être trop élevés. La commission de l’énergie et des SIG a longuement planché pour tenter de comprendre comment ces tarifs sont composés et a fini par déposer une motion consensuelle qui permet de cadrer ces tarifs.

« Il faut saluer l’esprit de consensus républicain qui a permis à la commission presque unanime de soutenir cette motion. Elle fixe des lignes directrices importantes dans l’élaboration des tarifs de chaleur à distance en rappelant qu’il s’agit d’un projet essentiel à la transition énergétique. En tant qu’entreprise publique, les SIG n’ont pas vocation à faire des bénéfices et il est capital que les usagers bénéficient de tarifs qui ne fassent pas exploser leur facture lorsqu’ils abandonnent le chauffage carboné. » Julien Nicolet-dit-Félix, membre de la commission de l’énergie et des SIG

Garantissons un fonctionnement viable pour les médias locaux (PL 13555-A et M 3064-A)

Cette motion de notre collègue Angèle-Marie Habiyakare était couplée à un projet de loi du parti socialiste « sur la Fondation genevoise pour la diversité des médias locaux »,

« L’information est l’essence même de notre société moderne. Mais aujourd’hui, la production d’information sur la base de faits, et plus particulièrement l’information locale, est menacée. La presse, cet outil dont nous nous servons quotidiennement pour légitimer nos actions et nourrir nos débats, n’est pas un secteur que l’on peut laisser se décomposer sans réagir. Loin de la réduire, l’aide publique permet au contraire à la presse locale de maintenir une diversité d’opinions et de voix, d’assumer sa mission. » Angèle-Marie Habiyakare, membre de la commission de l’économie

Soutenons la Genève internationale en assurant des conditions adéquates à ses acteurs (non à la surveillance des dissidents à Genève) (M 3125-A)

La Genève internationale héberge nombre d’organisations gouvernementales et non gouvernementales. Parmi les personnes gravitant autour de celles-ci, certains dissidents sont lourdement espionnés et menacés par les représentants de gouvernements autoritaires. La motion de Dilara Bayrak tentait de les protéger.

« Les relations internationales vont mal, la Genève internationale aussi; la confiance qui est la base de toute négociation réussie est menacée. Cette motion vise à ce qu’un espace sécurisant et sécurisé soit garanti à Genève. Les médias ont récemment interrogé une centaine de victimes du harcèlement chinois dans 23 pays. Les méthodes employées par le régime de Pékin vont de la prise de photos de manifestants sur la voie publique, à l’enlèvement de dissidents, en passant par les menaces, le piratage informatique, etc. » Cédric Jeanneret, membre de la commission des affaires communales, régionales et internationales

La motion a malheureusement été refusée.

Pour une véritable inclusion, cessons de séparer les enfants différents (PL 13245-C) 

La question de l’inclusion d’enfants « différents », quelle qu’en soit la nature, est en discussion depuis plusieurs années. Des cantons comme le Tessin ou d’autres pays ont franchi le pas. Le projet de loi du PS tentait de cadrer les principes de cette inclusion.

« En 2014, la Suisse a ratifié la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes en situation de handicap. Elle garantit à chaque enfant le droit à une éducation inclusive, sans ségrégation, dans un cadre ordinaire, avec les accompagnements nécessaires. Refuser ce projet, c’est maintenir un système de séparation injuste et dépassé. Genève n’arriverait donc pas à faire quelque chose que le Tessin fait avec succès depuis des années ? » Céline Bartolomucci, membre de la commission de l’enseignement

Le projet de loi a été refusé avec une courte majorité.

Menaces sur le financement de la HES-SO

HES-SO est composée à Genève de 6 écoles : HEPIA, HEG, HEAD, HEM, HEdS et HETS. Contre l’avis de la HES-SO Genève, le comité des HES-SO a imposé une augmentation des taxes semestrielles des hautes écoles de 40 % pour les étudiants suisses et de 110 % pour les étudiants étrangers. Cela représente 700 francs par semestre pour les Suisses et 1 050 francs pour les étrangers. Le DIP a, par la même occasion, décidé de couper dans la subvention (amendement au PL 13579-A), ce que nous avons combattu, mais qui a été accepté par une majorité composée du PLR, de l’UDC, du Centre et de LJS. Nous avons également proposé par de mettre en place des mesures de compensation. Le texte amendé a été accepté par une courte majorité (M 3086-A).

« Le nombre de personnes formées localement, notamment dans le domaine de la santé et du travail social, est en déficit et ce n’est pas du tout le moment de décourager ces formations.»  Pierre Eckert

« Cette hausse frappe une population estudiantine déjà durement touchée : aujourd’hui, 30 % des étudiants connaissent la précarité alimentaire, tandis que les jobs d’été, indispensables pour financer les études, voient leur rémunération diminuer de 25 %. C’est une double peine. » Angèle-Marie Habiyakare

« Nous avons a bien compris que Genève ne peut seule revenir sur cette hausse, par contre elle a été confrontée à de nombreux témoignages de la précarité estudiantine et de l’inadéquation du système de bourses d’études. La minorité verte vous propose un amendement réaliste, qui octroie un subside équivalant à la hausse des taxes pour tous les étudiants résidant à Genève et bénéficiant de subsides d’assurance-maladie. » (Julien Nicolet-dit-Félix)

Droit des propriétaires à vendre leurs logements locatifs

Un autre coup de force de la droite majoritaire, qui sera combattu par référendum. Le sujet a été largement couvert par la presse : Le retour des congés-ventes? (Le Courrier); Genève facilite l’achat d’appartements par leurs locataires (Tribune de Genève)

Soutenir les coopératives et leurs loyers abordables (PL 13203-B)  

Comme héritage de son passage au Grand Conseil, David Martin nous a légué un texte permettant de soutenir les coopératives en se portant caution simple de prêts hypothécaires.

« Le peuple a récemment décidé d’adopter un doublement du nombre de coopératives (IN 180). Le risque pour l’Etat est proche de zéro, il s’agit clairement d’une disposition gagnant-gagnant. » Philippe de Rougemont, membre de la commission du logement

Même si les conditions d’attribution ont été affaiblies, le texte a été adopté à l’unanimité des 92 député-e-s présent-e-s. C’est ce qu’on appelle une belle sortie !

Pierre Eckert